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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/77

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ou trois jours, on permet à l’animal de manger un peu de son frisé, de boire de l’eau blanche.

Cependant il ne s’agit point ici de traiter une inflammation ordinaire, mais une crise qui ne peut s’effectuer complètement sans le secours de l’art.

Soit que le premier temps se passe subitement, soit qu’on y remarque une succession plus lente, il faut attendre que la diminution des symptômes permette de découvrir le segment supérieur de l’iris, ou même que la matière opaque soit réunie et précipitée au fond des chambres de l’œil ; pour cela, il faut observer souvent les changemens qui s’opèrent dans les humeurs. On empêchera que cette matière ne se répande de nouveau dans le globe, et ne se trouve absorbée, en pratiquant une opération qui l’expulse définitivement.

On abattra l’animal sur le côté auquel appartient l’œil sain ; on lui placera la tête sur une botte de paille, et on l’y maintiendra d’une manière ferme ; on écartera les paupières au moyen d’un speculum oculi, qui mettra bien à découvert toute la cornée lucide. Les choses étant ainsi disposées, l’artiste s’armera de la lancette pour faire la ponction ; il en enfoncera la pointe dans la partie la plus déclive de la cornée lucide, et la dirigera obliquement de bas en haut (cela s’entend comme si l’animal étoit debout) entre la cornée lucide et l’iris, qu’il se gardera d’offenser. Aussitôt l’humeur aqueuse sort par jet ; la cornée transparente, cessant d’être distendue, s’affaisse ; mais peu de temps après l’humeur se renouvelle, sa quantité ordinaire rend à la cornée sa tension et sa convexité naturelles. Après l’opération on humectera, toutes les heures, les paupières et la tempe avec le baume de Fioraventi, pendant les deux premiers jours. Peur peu que la pointe de la lancette atteigne l’iris, sur-le-champ un épanchement de sang soulève la cornée lucide et rougit tout le devant du globe : cependant cette circonstance ne doit point effrayer ; le sang, épanché se trouvera absorbé peu à peu, et l’œil reprendra bientôt sa transparence.

Un sujet irritable se livrant à des mouvemens désordonnés, dans l’instant de la ponction, pourroit occasionner d’autres accidens ; la lancette égarée pourroit atteindre des parties profondes et produire des douleurs plus graves. Dans ce cas, très-rare il est vrai, on voit quelquefois, au bout de deux ou trois jours, l’humeur vitrée se montrer entre les deux lèvres de la plaie faîte à la cornée. Cet accident arrivant, il faudroit se hâter de calmer la douleur, et d’en prévenir les suites par une prompte et forte saignée, par des collyres faits de blanc, d’œuf épaissi par l’alun cru pulvérisé, et fixés au moyen du bandage appelé œil simple. Ces collyres seroient renouvelés toutes les quatre heures, le cheval ne seroit nourri que de son et d’eau blanche, et l’on donneroit des lavemens laxatifs réitérés toutes les six heures : ces moyens seroient continués jusqu’à ce que la hernie de l’humeur vitrée fût entièrement disparue.

L’artiste évitera ces contre-temps en faisant usage, pendant l’opération, d’un torche-nez ferme ; en assujettissant la tête avec soin, et en ménageant, sur le bord inférieur de l’orbite, un point d’appui à la main qui ponctue.

On passera, à l’encolure du côté de l’œil affecté, quatre sétons qui s’étendront depuis le bord de la crinière jusqu’à la jugulaire. Leur trajet sera entre la peau et le muscle cutané de l’encolure, et non entre les muscles, ou en les traversant ; on en favorisera la suppuration par des frictions d’onguent populeum ; ou en détergera le pus chaque jour avec soin, on supprimera les sétons au bout de dix à douze jours, temps suffisant pour l’effet qu’on en attend ici ; et cependant on continuera de laver avec l’eau tiède les parties qu’ils ont occupées, jusqu’à ce que toute suppuration soit finie.

Alors, pour fortifier l’organe et le mettre à l’abri d’une nouvelle attaque, on trace sur chacune des paupières de l’œil affecté deux raies de cautérisation. Elles s’exécutent en arc, avec des cautères de fer dont la lame n’a pas plus de sept à huit lignes de longueur dans la partie qui doit s’appliquer sur la peau ; l’une de ces raies suivra la direction du bord de l’orbite, et l’autre, concentrique à la première, doit être dirigée entre cette première raie et le bord des paupières. Cette cautérisation consistera dans des applications du cautère, réitérées jusqu’à ce que la raie ait acquis une couleur d’or, et que, refroidie, elle laisse échapper une sérosité jaunâtre.

On n’appliquera point de substances onctueuses sur la partie cautérisée ; le feu n’étant point modéré par ces moyens, en sera plus efficace.

L’ampleur du ventre, la paresse des entrailles, exigent qu’on excite la sortie des matières stercorales par des substances amères, purgatives, telles que l’aloès en poudre, donné chaque matin, en opiat, à la dose de trois gros, incorporé dans un peu de miel. On fera avaler, par-dessus, une infusion de petite sauge ; et l’on continuera ces moyens jusqu’à ce que l’animal purge.