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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/93

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alors ces parties seront susceptibles d’être regarnies de bonnes essences de bois, et améliorées comme les parties les plus saines.

Enfin, si les bois de certaines localités se refusoient absolument à ces différentes améliorations, il faudroit y établir des usines pour en consommer les produits.

On nous objectera peut-être qu’en faisant augmenter le revenu des bois dans ces localités, nous augmenterons la dépense de leurs consommateurs.

Nous en convenons ; mais les travaux ou les établissemens qui occasionneront cette augmentation, y procureront plus de travail ; ils donneront plus de valeur aux autres denrées et à la main-d’œuvre, et alors les habitans y trouveront une compensation avantageuse.


SECONDE PARTIE.


CONSERVATION DES BOIS ET FORÊTS.

On ne s’est jamais fait une idée assez exacte de l’importance qu’il y avoit à bien conserver les bois, pour empêcher leur destruction. Cette importance est telle, que ce seroit en vain qu’on leur donneroit l’aménagement le plus avantageux, et qu’on s’occuperoit sans relâche de leur restauration, s’ils ne sont pas mieux conservés que par le passé. Les mêmes abus produiroient les mêmes destructions, et les bois de la France seroient bientôt anéantis.

C’est à la nature que la France doit la plus grande partie de ses bois ; et, si rien ne la contrarioit, elle sauroit les entretenir et même les agrandir, et ne laisseroit à ses habitans que le soin d’en recueillir les produits a leur maturité.

Suivant les anciens cosmographies, l’ancienne Gaule étoit couverte de forêts. Les douze millions d’arpens de bois, que nous admettons exister encore en France, sont donc, peut-être, les restes de plus de quatre-vingt millions d’arpens qu’elle possédoit il y a deux mille ans.

De tous les bois détruits en France, depuis cette époque, la main des hommes n’y a peut-être pas contribué pour la vingt-cinquième partie ; le surplus a été anéanti, par les animaux broutans.

L’homme, d’ailleurs, peut bien préjudicier à l’abondance des bois en les coupant prématurément ; mais cet abus ne nuit pas à leur reproduction, et il ne peut les détruire qu’en les arrachant.

Il n’en est pas de même des animaux broutans : les bois qu’ils fréquentent habituellement sont détruits en plus ou moins de temps, suivant l’âge plus ou moins avancé auquel on les livre à leur pâturage.

Pour donner une idée de la rapidité, avec laquelle les bois livrés au pâturage des bestiaux sont détruits, nous en citerons deux exemples authentiques.

Premier Exemple. — Forêt d’Orléans. Par un procès-verbal de réformation des bois de cette forêt, fait en 1671, elle contenoit, tant en bois du domaine qu’en bois tenus en gruerie, cent vingt-un mille arpens. Et par un autre procès-verbal de réformation, fait en 1721, elle ne contenoit plus que quatre-vingt-sept mille sept cent vingt-sept arpens sept perches. Ainsi, en cinquante ans, cette forêt a perdu plus du quart de sa superficie.

L’ingénieur Phnguet, (qui a donné ces détails dans son Traité sur la réformation et l’aménagement des forêts, Orléans, 1789) attribue cette perte à six causes :

1°. Au droit qu’ont quarante-huit communes de mener paître leurs bestiaux dans cette forêt ;

2°. Au défaut de bornage et de clôture ;

3°. À un aménagement trop âgé pour la nature du terrain ;