Page:Ruskin - Les Pierres de Venise.djvu/206

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ment vénitien, nous reconnaîtrons que les deux tiers des cruautés rapportées par la tradition sont des fables romanesques et que les crimes qu’il a réellement commis ne diffèrent de ceux des autres pouvoirs italiens que pour avoir été commis moins gaîment, mais avec la profonde conviction de leur nécessité politique, et enfin, que la dégradation de Venise vint moins de ses principes de gouvernement que de l’oubli où elle les laissa tomber dans sa folle poursuite du plaisir.


Nous avons maintenant examiné la partie du Palais qui témoigne le mieux des sentiments de ses constructeurs. Les chapiteaux de l’arcade supérieure sont de caractères très variés : comme ceux de l’arcade inférieure, ils se composent de huit feuilles formant volutes aux angles ; les figures n’ont ni inscription, ni expression ; il faudrait pour les interpréter, une connaissance approfondie de l’ancien symbolisme, que je ne possède pas. Beaucoup de ces chapiteaux semblent avoir été réparés et n’être que de médiocres copies des anciens ; d’autres, quoique anciens, ont été traités avec peu de soin ; quant à ceux qui sont, à la fois, purs d’origine et travaillés avec art, ils sont encore plus beaux de composition que ceux de l’arcade inférieure (le 8e excepté). Le voyageur devra monter dans la galerie et étudier, avec grande attention, la série des chapiteaux s’étendant sur la Piazzetta, depuis l’angle du Figuier jusqu’au point précis où s’appuie le mur de la salle du Grand Conseil ; il verra là, dans ces chapiteaux massifs, chargés d’un rude labeur et destinés à être vus de loin, des exemples de gracieuses compositions que je classe parmi les plus belles manifestations de l’Art gothique. Au-dessus du Figuier, le chapiteau des « Quatre Vents » est remarquable : Levant (vent d’est) à la tête entourée de rayons, pour indiquer que, quand il souffle,