Page:Ruskin - Les Pierres de Venise.djvu/253

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dans Angelico, dans Orcagna, dans Memmi, dans Pisano, tous gens simples et ignorants, mais les savants qui sont venus après eux ne nous le donnent pas et, malgré tout notre bagage scientifique, nous en sommes plus loin que jamais. Nos erreurs, à ce sujet proviennent d’une fausse conception de la science ; nous ne pensons pas que la science est infinie et que l’homme que nous estimons savant est aussi loin de savoir toute chose que le paysan le plus illettré. La science est la nourriture de l’esprit à qui elle rend les mêmes services que la nourriture rend au corps, sauf que l’esprit a besoin de plusieurs genres de nourritures et que la science peut lui causer certaines misères. Fâcheusement, notre éducation et nos mœurs font que la science doit être mélangée et déguisée par l’art jusqu’à en devenir malsaine ; elle doit être adoucie, raffinée et rendue agréable au goût jusqu’à en perdre ses sucs nourrissants, et la meilleure elle-même, avalée avec excès, peut nous apporter la maladie et la mort.


Agissons-donc, vis-à-vis de la science, comme avec la nourriture. Nous ne vivons pas plus pour savoir que nous ne vivons pour manger ; nous vivons pour contempler, jouir, agir et adorer, et nous saurions tout ce qu’on peut apprendre en ce monde et tout ce que Satan sait dans l’autre que nous serions loin de faire tout cela : contentons-nous donc de chercher quelles sont les connaissances bonnes, simples et sans artifice qui peuvent être pour nous une nourriture saine et qui, en second lieu, nous aideront dans notre tâche en nous laissant le cœur léger et la vue claire. Rien de plus ne peut se digérer depuis le vieux péché d’Ève. Goûtons à la science sans en trop amasser, car, faute d’air, elle se gâte ou s’entasse dans un tel désordre qu’elle ne sert plus à rien, et qu’on peut mourir de faim en face de vastes provisions accumulées. Quelques-uns