Page:Ruskin - Les Pierres de Venise.djvu/266

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d’habileté pour donner de l’expression à la statue, le dais devint symétrique et riche ; dans les monuments les plus travaillés, il fut surmonté d'une statue, généralement petite, représentant le défunt dans la vigueur et l’orgueil de sa vie, alors que la statue couchée le montrait tel qu’il fut dans la mort. La perfection du type gothique était atteinte.


Il y a de nombreux exemples accomplis, à Venise et à Vérone, de tombeaux n’étant qu’un sarcophage. Les plus intéressants, à Venise sont ceux que l’on trouve dans les renfoncements de l’église Saints-Jean-et-Paul : la plupart ne sont décorés que de deux croix entourées en cercle, par la légende portant le nom du mort ; un « Orate pro anima » est placé au centre, dans un autre cercle. En cela, l’Italie montre la supériorité de ses tombes sur celles de l’Angleterre, trop souvent enrichies de quatre-feuilles, de petites colonnes, d’arceaux : ces décorations architecturales banales, sans signification religieuse, leur enlèvent leur sévère solennité, tandis que les sarcophages italiens sont massifs, polis et mélancoliques et portent l’emblème de la croix gravé sur leur granit.

Parmi les tombes de Saints-Jean-et-Paul, il en est une qui démontre la simplicité des anciens temps. A gauche de l’entrée est un sarcophage massif ayant des cornes basses comme celles d'un autel : placé dans l’enfoncement du mur extérieur, il est usé, effrité, envahi par les plantes grasses et les herbes parasites. Et pourtant, ce tombeau renferme les restes de deux Doges : Jacopo et Lorenzo Tiepolo, et l’un des deux fit don du terrain presque entier où fut érigée l’église dont la façade ne protège pas sa tombe de la destruction. Ce sarcophage porte, au centre, une inscription mentionnant les actes des Doges (ses caractères indiquent qu'elle est de beau-