Page:Ruskin - Les Pierres de Venise.djvu/292

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rubins et devant lequel, dans des attitudes théâtrales, devenues habituelles, se dressent les statues du doge Salvator Falier, de son fils, Silvestre Falier et d'Elisabeth, femme de Silvestre. Les statues des Doges, bien que médiocres et faisant penser à Polonius, sont sauvées par le costume ducal, mais celle de la Dogaresse est un ramassis de grossièreté, de vanité et de laideur : c'est rimage d'une grosse femme ridée, coiffées de papillottes frisées avec soin qui projettent leur raideur autour de son visage, et couverte, de la tête aux pieds, de fraises, de fourrures, de dentelles, de joyaux et de broderies. Tout autour se voient les Vertus, les Victoires, les Renommées les Génies dont la troupe est le complément indispensable de cette mise en scène. Exécutée par différents sculpteurs cette tombe montre autant de mauvais goût que d’absence d’imagination. La Victoire qui se dresse au centre est particulièrement intéressante ; le lion qui l’accompagne, et qui saute sur un dragon a certainement l’intention d’inspirer la terreur, mais le sculpteur incapable n’a pas même su lui donner l’aspect de la colère : il a une expression pleurarde, et ses deux pattes soulevées, sans que son corps fasse un mouvement, lui donnent l’aspect d’un chien qui attend sa pâtée. Voici l’inscription gravée sous les deux principales statues :


« Bertucius Falier, Doge,
Grand en sagesse et en éloquence,
Plus grand par ses victoires dans l'Hellespont,
Le plus grand par le Prince, son fils.
Mourut en l'an 1658.»


« Elisabeth Quirina,
Femme de Sylvestre,
Distinguée par sa vertu romaine,
Par sa piétié vénitienne,
Et par la couronne ducale,
Mourut en 1708. »