Page:Ruskin - Les Pierres de Venise.djvu/296

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dans son entière véracité et dans sa vitalité l’histoire de son Rédempteur : il fut, d’autre part, plus facile aux esprits superficiels et nonchalants de se tromper sur le véritable caractère de la croyance qu’on leur avait enseignée. Et il en eût été ainsi quand bien même les pasteurs de l’Église n’eussent pas manqué de vigilance, quand bien même l’Église n’eût commis aucune erreur de doctrine ou de pratique. Mais lorsque, d'année en année, les vérités de l’Évangile s’éloignèrent davantage en s’adjoignant quelque fausse ou sotte légende ; quand un travestissement volontaire s’ajouta à cette obscurité naturelle ; quand la mémoire trop fugitive disparut sous la fécondité de la fiction; quand, de plus, l’énorme pouvoir temporel accordé au clergé attira dans ses rangs une foule d'hommes qui, sans cet appât, n’eussent pas songé à revendiquer le nom de Chrétiens, les loups pénétrèrent dans le troupeau et ne l’épargnèrent pas. Lorsque, grâce aux manœuvres de ces hommes et à l’indifférence des autres, la forme et l’administration de la doctrine et de la discipline ne furent plus qu’un moyen d’agrandir encore le pouvoir du clergé, il ne fut plus possible aux hommes religieux, capables de réflexion, de conserver, sans inquiétude, la sérénité de leur foi. L’Église était tellement mêlée au monde que son témoignage n’était plus valable : ceux qui s’aperçurent de sa corruption et à qui leur intérêt ou leur simplicité n’imposait pas le silence, se séparèrent peu à peu en deux courants d’énergie opposée ; l’un allant vers la Réforme et l’autre vers l’Infidélité.


Ce dernier courant resta à part, surveillant la lutte de l’Église romaine et du Protestantisme, lutte qui, bien que nécessaire, fut accompagnée de grandes calamités pour l’Église. Au début, le Protestantisme ne fut pas, en réalité, la Réforme mais plutôt la Réanimation. Il voulait