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CHAPITRE II

LE TRONE


Dans les voyages du temps jadis, que nous ne reverrons plus, alors que la distance ne pouvait être conquise sans fatigue, mais où cette fatigue avait pour compensation la connaissance complète du pays qu’on traversait et la joie des heures du soir lorsque, parvenu au sommet de la dernière colline, le voyageur découvrait, épars dans la prairie sur le bord du torrent traversant la vallée, le paisible village où il allait se reposer, ou bien encore lorsqu’il apercevait de loin, dans les rayons du soleil couchant, les tours de quelque ville fameuse, but d’un voyage depuis longtemps désiré, — heures de jouissance douce et pénétrante que ne remplace peut-être pas avec avantage, pour quelques-uns, la secousse du temps d’arrêt dans une station de chemin de fer ! — dans ces temps lointains, dis-je, lorsqu’il y avait quelque chose de plus à découvrir et à ne pas oublier dans le premier aspect de chaque halte, qu’un nouvel arrangement de toiture vitrée ou d’une poutre de fer, le voyageur n’avait pas dans ses souvenirs un moment plus enchanteur que celui où, sa gondole entrant dans la lagune par le canal de Mestre, il apercevait Venise, Et pourtant, l’aspect de la ville eût pu lui causer un léger désappointement, car, vues dans cette direction, ses constructions ont moins de caractère