Page:Ruskin et la religion de la beauté.djvu/142

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

boie, et chuchote parmi les fils d’or, la faisant frémir avec un plectre d’un feu étrange qui les traverse et les retraverse et est contenu en elles comme la vie.

Il pénètre dans la surface de la terre, la subjugue, tombe avec elle en une poussière féconde dont la chair peut être pétrie ; il s’unit dans la rosée à la substance du diamant et devient la feuille verte qui sort du terrain sec ; il entre dans les formes séparées de la terre qu’il a tempérée, commande au flux et au reflux du courant de leur vie, remplit leurs membres de sa propre légèreté, mesure leur existence par son impulsion intérieure, moule sur leurs lèvres les mots par lesquels une âme peut se faire connaître d’une autre âme, est pour elles l’entendement de l’oreille et le battement du cœur et, les quittant, les laisse à la paix qui n’entend, ni ne se meut jamais plus....

Quelque chose pourtant manquerait encore si Ruskin tenait tout entier dans cet amas confus d’idées et d’images, et si, une fois l’intelligence rassasiée et l’imagination débordante, il nous laissait là ou bien réordonnait éternellement cette même fête pour l’imagination et ce même repas pour l’intelligence. D’autres aussi ont su faire succéder, dans leur critique, les aspects sensibles aux aspects abstraits et reposer de ceux-ci par ceux-là. D’autres ont peint en pensant et ont pensé en peignant, ont nourri leur poésie du sens caché de la nature et paré la science des charmes visibles de sa beauté. Mais il arrive un moment où ce dilettantisme habile, après avoir récréé par sa