Page:Ruskin et la religion de la beauté.djvu/160

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vain, tout le long de la nuit, cherché en vain à la porte de cet ancien jardin où l’épée enflammée est plantée ? Il n’est jamais là, mais à la porte de ce jardin-ci, il attend toujours, — il attend de vous prendre par la main, prêt à vous mener voir les fruits de la vallée, voir si la vigne a fleuri, et si les grenades ont bourgeonné. Là, vous verrez, avec Lui, les petites vrilles de la vigne que sa main dispose ; là, vous verrez pousser les grenades où sa main a laissé tomber la graine couleur de sang, — plus encore, vous verrez les cohortes des anges gardiens qui, des battements de leurs ailes, écartent les oiseaux affamés des champs qu’il a ensemencés. Et vous les entendrez se crier les uns aux autres, à travers les rangées des vignes : « Emparons-nous des renards, des petits renards qui pillent les vignes, parce que tendres sont les raisins de nos vignes ! »

Oh ! reines que vous êtes — ô reines, — parmi les collines et les tranquilles forêts vertes de ce pays qui est le vôtre, les renards auront-ils des terriers et les oiseaux de l’air des nids ? Et, dans vos villes, les pierres témoigneront-elles contre vous qu’elles sont les seuls oreillers où le Fils de l’Homme puisse reposer sa tête ?

Ce ton exalté, s’il se prolongeait, lasserait vite en nous tout ce qui vibre. Mais il s’infléchit aussitôt jusqu’à celui de la conversation et voici que le prophète qui tonnait sur la montagne s’assied dans un rocking-chair, croise les jambes et se met à lire le journal….

Et de même que l’enthousiasme et l’ironie se disputent sa pensée, la période et le trait se disputent son style, l’une pour entraîner le lecteur par sa