Page:Ruskin et la religion de la beauté.djvu/211

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inutile de nous donner du monde et de ses lois, de ses origines et de ses destinées, une théorie quelconque, si, même satisfaisant notre raison cérébrale, elle heurte notre sentiment esthétique, si, par tous ses enthousiasmes, notre nature proteste contre sa décision. Si, d’aventure, on nous parle de progrès par révolution, il faudra venir déviant le Thésée du Parthénon, nous expliquer pourquoi ce reste glorieux et immortel témoigne de ce que Taine appela un jour « une humanité mieux réussie que la nôtre ». Et devant un certain char d’une Demeter gréco-étrusque, qu’on voit au British Museum, et dont les roues sont faites de roses sauvages, il faudra qu’on nous dise ce qui manque à ces roses, hors le parfum, pour ressembler à celles qui croissent librement sur le coteau de Brantwood. Certes, ce sont là de petits problèmes pour un savant ! A-t-il le loisir de regarder les yeux des statues ou de baisser les siens vers des roses ? Mais pour ceux qui ont ce loisir, cette curiosité les tient. « Pour un peintre, en effet, le caractère essentiel de toute chose est sa forme et sa couleur et les philosophes ne peuvent rien contre cela. Ils arrivent et nous disent par exemple qu’il y a autant de chaleur ou de motion, ou d’énergie calorifique, ou quelque autre nom qu’il leur plaira de lui donner, dans une bouilloire à thé que dans un aigle. Très