Page:Ruskin et la religion de la beauté.djvu/313

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à son côté. « L’argent est exactement maintenant ce qu’étaient les promontoires des montagnes sur les chemins publics d’autrefois. Les barons combattaient loyalement pour les conquérir : le plus fort et le plus adroit les conquéraient. Alors ils les fortifiaient et forçaient chaque passant à payer un droit. Or le capital est exactement maintenant ce qu’étaient alors les rochers. Les gens combattent loyalement (du moins nous l’admettons, bien que ce soit plus que l’impartialité ne le commande) pour avoir de l’argent. Mais une fois qu’ils l’ont acquis, le millionnaire fortifié peut forcer chaque passant à payer un tribut à son million et il bâtit une autre tour de son château d’argent. Et je peux vous dire que les passants pauvres le long des routes souffrent autant aujourd’hui du baron du sac qu’autrefois du baron du roc… »

Et si l’on nous dit qu’il n’y a rien d’injuste là dedans, parce que c’est l’effet immédiat et nécessaire de la « lutte pour la vie », nous répondrons que la suprême injustice de notre siècle est précisément cette horrible mêlée fratricide que les savants désignent avec complaisance du nom de « Lutte pour la vie ». Nous proscrirons hautement, comme cruelle, lâche et païenne, cette bataille sans merci où les plus intelligents, les plus persévérants, les plus sagaces ruinent les faibles d’es-