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Page:Rutebeuf - Oeuvres complètes, recueillies par Jubinal, tome I, 1839.djvu/16

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XVI
PRÉFACE.

sera toujours fermée, car mon logis est trop pauvre et trop nu pour rester ouvert, etc. »

Ce qui le contrarie le plus c’est de revenir à la maison les mains vides ; il est alors si honteux qu’il n’ose frapper à la porte. « Pourtant, dit-il dans un accès d’orgueil, en faisant allusion probablement à quelques-unes de ses œuvres les plus remarquées, et peut-être à son Miracle de Théophile, on dirait que je suis prêtre, car je fais plus signer de têtes que si je chantais Évangile ; mes merveilles arrachent des signes de croix dans la ville, et on doit bien les conter aux veillées, car elles n’ont pas de rivales. »

Cet aveu du succès obtenu par ses compositions, aveu qui échappe naïvement à Rutebeuf, nous amène à chercher d’où pouvait venir sa pénurie ? — Hélas ! sans doute de plusieurs causes. Dans une de ses pièces, qu’il envoie au comte de Poitiers, notre trouvère nous apprend[1] que ce prince l’a aidé plus d’une fois, et très-volontiers ; il est vraisemblable que saint Louis, auquel il s’adressa également en lui peignant avec énergie son dénuement, ne resta point insensible à ses prières ; et l’on ne peut supposer que le roi de Navarre, Thibaut V, sur la mort duquel il a composé un Planctus, espèce d’oraison funèbre poétique qu’il appelle une Complainte, ne se soit de son vivant montré

  1. Voyez, t. I, page 19.