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Page:Rutebeuf - Oeuvres complètes, recueillies par Jubinal, tome I, 1839.djvu/171

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LI DIZ DE LA VOIE DE TUNES.

Trueve-il le roi Thiebaut doulz et de boen afère[1].

Et li dui fil le Roi et lor couzins germains,
Ce est li cuens d’Artois, qui n’est mie dou mains,
Revont bien enz dézers laboreir de lor mains,
Quant par meir vont requerre Sarrazins et Coumains[2].

Tot soit qu’à moi bien fère soie tardiz et lans,
Si ai-je de pitié por eulz le cuer dolant ;
Mais ce me réconforte (qu’iroie-je celant ?)
Qu’en lor venues vont, en paradix volant.

Sains Jehans eschiva compaignie de gent,
En sa venue fist de sa char son serjant ;
Plus ama les désers que or fin ne argent,
Qu’orgueulz ne l’i alast sa vie damagent.

Bien doit ameir le cors qui en puet Dieu servir,
Qu’il en puet paradix et honeur déservir.
Trop par ainme son aise qui lait l’arme aservir
Qu’en enfer sera serve par son fol messervir.

Veiz-ci mult biau sermon : li Rois va outre-meir

  1. Il paraît qu’on avait pour saint André, au 13e siècle, la plus grande dévotion : Rutebeuf le site souvent, et les autres trouvères font de même.
  2. Rutebeuf commet ici une omission. Louis IX n’emmena pas seulement avec lui deux de ses fils, Philippe et Tristan, nommés plus haut, il emmena encore le troisième, Pierre d’Alençon. (Voyez pour ce fait, à la fin du volume, la note Q, sur La Desputizons dou croisié et dou descroizié.) Ce que le poëte dit au reste du comte d’Artois est fort exact : ce prince était en effet cousin-germain de Philippe et de Tristan puisqu’il était fils de Robert, comte d’Artois, frère de saint Louis, tué dès le début de la première croisade au combat de la Massoure.