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Page:Rutebeuf - Oeuvres complètes, recueillies par Jubinal, tome I, 1839.djvu/209

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DES JACOBINS.

Tant ont éu deniers et de clers et de lais,
Et d’exécucions, d’aumosnes et de lais[1],
Que des basses mesons ont fet si granz palais
C’uns hom lance sor fautre[2] i feroit .i. eslais.

Ne vont pas après Dieu tel gent le droit sentier,
Ainz Diex ne vout avoir tonel sor son chantier,
Ne denier l’un sor l’autre, ne blé, ne pain entier ;
Et cil sont changéor qui vindrent avant ier[3].

Je ne di pas ce soient li Frère Preschéor,
Ainçois sont une gent qui sont bon peschéor,
Qui prenent tel poisson dont il sont mengéor :

    Il lor livra, lors le viestirent
    De lor ordre, et signor en firent.
    Et grant maistre et provincial,
    Par quoi il ont laissié le val
    De Povreté par tel asquel,
    Et sunt monté en Haut-Orguel.

  1. Voyez pour ce sujet la note X, à la fin du volume.
  2. Fautre : ce n’est point seulement, comme le dit M. de Roquefort, une garniture de selle qui servait à appuyer la lance ; le fautre ou faucre (fulcrum) était aussi une pièce d’acier qui se plaçait sur le côté droit de la cuirasse en saillie. Elle avait ordinairement trois pouces ou à peu près de longueur, et servait à supporter la lance. Souvent le faucre était muni d’une charnière, de façon à pouvoir se relever à volonté. Son usage ne remonte pas par conséquent au-delà du milieu du 14e siècle, puisqu’il ne peut être antérieur à celui de la cuirasse ; mais, comme on trouve le mot fautre employé dans nos vieux romans du 12e et du 13e siècle, il faut bien en conclure qu’il y eut une seconde espèce de fautre, qui fut probablement la poche ou garniture qui retenait la lance sur la selle. L’usage du faucre de cuirasse s’est prolongé jusqu’à la fin du 16e siècle. En anglais il se nomme lance rest, arrêt de la lance. On peut voir un exemple frappant de la forme de cette pièce dans l’armure de Boabdil, reproduite par le Musée d’artillerie espagnol (Paris, 1837 ; chez l’éditeur des Anciennes tapisseries).
  3. C’est-à-dire qu’ils sont très-riches, car les changeurs l’étaient presque tous alors ; c’étaient les banquiers de l’époque.