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Page:Rutebeuf - Oeuvres complètes, recueillies par Jubinal, tome I, 1839.djvu/251

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DE L’ESTAT DU MONDE.

Ont et mainte richece assise,
Qui toz sont sers à covoitise.
Toz jors vuelent sanz doner prendre,
Toz jors achatent sans riens vendre.
Il tolent, l’en ne lor tolt rien ;
Il sont fondé sus fort mesrien[1],
Bien puéent lor richece acroistre ;
L’en ne préesche mès en cloistre
De Jésus-Christ ne de sa mère,
Ne de saint Pol, ne de saint Père :
Cil qui plus set de l’art du siècle,
C’est le meillor selonc lor riègle.

Après si sont li mendiant
Qui par la vile vont criant :
« Donez, por Dieu, du pain aus frères[2] ! »

  1. Merrain, bois de chêne. — On lit dans la Vie de saint Louis par le confesseur de la reine Marguerite : « Et (saint Louis) fist couper en son bois les très et autres merrien por l’église des Frères-Meneurs de Paris, et por le cloistre de la dite église, et pour le dortoier et le refretoère des Frères-Préechéeurs de Paris, et por la Meson-Dieu de Pontaise, et por les Frères-Sas de Paris ; et féist aussi mener tout ledit merrien à touz les liex dessus diz ; et les branches et l’autres bois qui demoroit des grosses pièces du merrien estoit donné por Dieu as povres religions. » (Voyez la note 1, page 206.)
  2. On lit dans les Crieries de Paris par Guillaume de La Villeneuve, pièce tirée du Ms, 7218, fo 246, et imprimée par Méon, page 280 du 2e vol.
    de son nouveau recueil de Fabliaux, qu’on n’entendait au 13e siècle dans les rues que :
    Aus Frères de saint Jacque pain,
    Pain por Dieu aus Frères-Menors ;
    Cels tieng-je por bons preneors ;
    Aus Frères de saint Augustin,
    Icil vont criant par matin.
    Du pain au Sas, pain aus Barrez,
    Aus povres prisons enserrez,
    A cels du Val des Escoliers ;
    Li uns avant, li autre arriers,
    Aus Frères des Pies demandent