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DE LA VIE DOU MONDE.


Des biens de sainte Église se complaint Jésus-Christ
Que on met en joiax et en vair et en gris ;
S’an traient leur keues Margos et Béatrix[1],
Et li membre Diu sont povre, nu et despris.

Molt volontiers quésisse une relegion
U je m’âme salvaisse en bone entention,
Mais tant voi en pluseur envie, élation,
Qu’il ne tiennent de l’ordre fors l’abit et le non.

Qui en relegion velt saintement venir,
Trois coses li covient et voer et tenir :
Casté, povreté[2] et de cuer obéir ;
Mais on i voit sovent[3] le contraire avenir.

Obédienche gronche, chastés se varie ;
Cascuns bée à avoir, povretés est haïe.

  1. Ms. 7633. Var.
    S’en traînent les coes et Margoz et Biautrix.
    Je crois que ce vers est une allusion au luxe que pouvaient déployer Marguerite, reine de France, fille aînée de Raymond Bérenger, comte de Provence, mariée en 1234 à Louis IX, morte seulement en 1295, et Béatrix de Bourgogne, fille de Thibaut IV, comte de Champagne, mariée à Hugues VI, duc de Bourgogne, en secondes noces, et morte vers le milieu de l’an 1295. Du moins je ne vois pas à cette époque d’autres princesses portant ces deux noms auxquelles l’allusion de Rutebeuf puisse s’appliquer avec autant de probabilité. En effet Béatrix de Provence, quatrième fille de Raymond Bérenger et femme de Charles d’Anjou, était morte depuis longtemps, et Charles de Valois, dont il est question en note de la page 236, n’avait pas encore épousé Marguerite, fille de Charles II, roi de Sicile. Leur mariage n’eut lieu qu’en 1290, et la composition de notre pièce est selon moi antérieure à cette époque.
  2. Ms. 198 N.-D. Var. Chaasté et simplece.
  3. Ms. 274 bis N.-D. Var. Mais hom voit en trestouz.