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Page:Rutebeuf - Oeuvres complètes, recueillies par Jubinal, tome I, 1839.djvu/308

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C’EST LI TESTAMENT DE L’ANE.

Et c’en devroit grant guerredon. »
— « Et qu’a-il fait ? » dit li preudon.
— « Il a pis fait c’un Béduyn,
Qu’il at son asne Bauduyn
Mis en la terre bénéoite. »
— « Sa vie soit la maléoite,
Fait l’evesques ; se ce est voirs,
Honiz soit-il, et ces avoirs.
Gautier, faites-le-nous semondre :
Si orrons le prestres respondre
A ce que Robers li mest seure ;
Et je di, se Dex me secoure,
Se c’est voirs, j’en aurai l’amende.[1] »
— « Je vous otroi que l’en me pande,
Se ce n’est voirs que j’ai contei,
Si ne vous fist onques bontei. »

Il fut semons ; li prestres vient :
Venuz est respondre convient
A son évesque de cest quas
Dont li prestres doit estre quas.
— « Faux, desléaux, Deu anemis,
Où aveiz-vos vostre asne mis ?
Dist l’evesques. Mout aveiz fait
A sainte Église grant mesfait ;

  1. L’usage permettait en effet à un évêque de condamner un prêtre à l’amende et de le faire mettre en prison pour un délit ecclésiastique. On aura une idée de la police de ces temps-là quand on saura que ces amendes formaient en grande partie, avec les confiscations, le produit de la justice des seigneurs, et que ce produit était un de leurs revenus les plus considérables. Philippe-Auguste comptait au nombre de ses différents droits les forfaits et les crimes : Nostra jura et nostram justitiam, et fore-facta quæ propriè nostra sunt. (Legrand d’Aussy, t. III, édit. Renouard.)