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Page:Rutebeuf - Oeuvres complètes, recueillies par Jubinal, tome I, 1839.djvu/38

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LE MARIAGE RUTEBEUF.

Et je qu’en puis se je m’esmoie[1] ?
L’en dit que fols qui ne foloie
Pert sa seson :
Sui-je mariez sanz reson ?
Or n’ai ne borde ne meson.
Encor plus fort :
Por plus doner de reconfort
A cels qui me héent de mort,
Tel fame ai prise
Que nus fors moi n’aime ne prise,
Et s’estoit povre et entreprise[2]
Quant je la pris.
A ci mariage de pris,
C’or sui povres et entrepris
Ausi comme ele !
Et si n’est pas gente ne bele[3].
L. anz a en s’escuele[4],
S’est maigre et sèche :
N’ai pas paor qu’ele me trèche.
Despuis que fu nez en la grèche[5]
Diex de Marie
Ne fu mès tele espouserie.

  1. Ms. 7218. Var. Je n’en puis mès se je m’esmoie.
  2. Entreprise, embarrassée, gênée. C’est du moins dans ce sens que doit être entendu le mot entrepris, qui se trouve trois vers plus bas ; mais ici son féminin signifie peut-être : enceinte. Ce qui semble autoriser cette explication, c’est que Rutebeuf dit que sa peine commença avec le mariage, et qu’elle commença en lune plaine (Voyez page 13, vers 7e et 9e.) N’y aurait-il pas dans le dernier mot de cette phrase une allusion à l’état dans lequel le poëte prétend que sa femme se trouvait lorsqu’il l’épousa ?
  3. Ms. 7633. Var. Jone ne bele.
  4. On lit au Ms. 7615 : « Lx. ans » — Le mot s’escuele est ici par élision pour son escuele, ainsi qu’on le voit au Ms. 7633.
  5. Mss. 7633, 7615. Var. Crèche.