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Page:Rutebeuf - Oeuvres complètes, recueillies par Jubinal, tome I, 1839.djvu/40

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LE MARIAGE RUTEBEUF.

Je ne dout privé ne estrange
Que il riens m’emble ;
N’ai pas busche de chesne ensamble :
Quant g’i suis si à fou et tramble[1]
N’est-ce assez ?
Mes pos est briziez et quassez
Et j’ai toz mes bons jors passez.
Je qu’en diroie ?
Nis la destructions de Troie
Ne fu si grant comme est la moie !
Encore i a,
Foi que doi Ave Maria,
S’onques nus hom por mort pria,
Si prît por moi :
Je n’en puis mès se je m’esmoi.
Avant que viegne avril ne may
Vendra quaresme :
De ce puis bien dire mon esme[2].
De poisson autant com de cresme
Aura ma fame ;

    cette locution en la rapprochant des trois vers suivants, qui se trouvent dans la pièce intitulée Du pharisien :

    Tel cuide-on qu’au lange se froie
    Qu’autre chose a sous la corroie,
    Si com je cuit.

    Ces vers sont relatifs aux Jacobins, auxquels un de leurs statuts interdisait ce vêtement, qui n’est cependant pas de luxe. Voyez à ce sujet la Table générale des matières, à la fin de notre second volume, au mot Chemise.

  1. Ces deux vers contiennent un singulier jeu de mots. Rutebeuf dit : Je n’ai pas deux bûches de chêne ensemble, et je suis là comme fou et tremblant (tramble) ; mais ce passage doit s’entendre aussi, car telle a été certainement l’intention du trouvère, de la façon suivante : Je n’ai pas deux bûches de chêne ensemble, car je suis là avec du hêtre (fou, fagus) et du tremble — Ce sont deux sortes de bois différents.
  2. Mon esme, ma pensée, mon appréhension ; œstimatio.