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Page:Rutebeuf - Oeuvres complètes, recueillies par Jubinal, tome I, 1839.djvu/417

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ET ÉCLAIRCISSEMENTS.

ment les adversaires sans en avancer aucun. Les académiciens se plaignirent des Dominicains, ceux-ci firent excommunier les académiciens ; et le trouble éclata plus fort que jamais dans l’Université de Paris.

Ennuyés de tout ce tracas, qui leur ôtait le calme et la liberté d’esprit nécessaires aux études, les professeurs de l’Université écrivirent à Rome contre les Frères, et terminèrent leurs lettres par la protestation qu’ils transporteraient plutôt les écoles dans un autre royaume que de supporter le joug des religieux. De leur côté ceux-ci firent présenter à saint Louis une liste d’erreurs qu’ils attribuaient à Guillaume de Saint-Amour. Voici la traduction de ce que ce dernier, dans ses Réponses aux Objections, raconte lui-même qu’il y répondit : « Ayant, dit-il, reçu d’un homme de bien dont j’ignore le nom une cédule présentée au Roi, dans laquelle étaient contenues des erreurs qu’on m’attribuait, je voulus le dimanche suivant, dans l’église des Innocents, me purger de ces accusations ; et, lorsque j’eus appris par des gens dignes de foi que des religieux lettrés étaient préparés à combattre mes paroles, je fis apporter dans l’église mes livres de théologie pour ma défense, et, le sermon fini, je fis lire par un maître les articles de la cédule, et je prouvai aux clercs et laïcs présents, lesquels, durant toute l’année, avaient écouté nos sermons faits pour le peuple, que je n’avais pas prononcé les erreurs qu’on me reprochait. Je dis aussi que n’ayant ni mitre, ni anneau, ni autorité qui pût forcer d’ajouter foi à mes paroles, j’avais apporté les livres de la sainte Écriture pour prouver la vérité de ce que j’avais dit et prêché touchant les Périls des derniers temps ; mais, par la grâce de Dieu, personne ne s’éleva contre moi. »

Les Dominicains, vaincus ainsi publiquement, eurent en secret recours à Rome, et saint Louis essaya, avec quelques évêques qui tenaient alors à Paris un concile provincial, de rapprocher les deux partis. Malheureusement de nouveaux ferments de discorde, causés par l’apparition du livre des Périls des derniers temps, ne tardèrent pas à s’élever.