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Page:Rutebeuf - Oeuvres complètes, recueillies par Jubinal, tome I, 1839.djvu/57

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Dont mult me sont changié li ver,
Mon dit commence trop diver
De povre estoire.
Povre sens et povre mémoire
M’a Diex doné li rois de gloire
Et povre rente.
Et froit au cul quant bise vente.
Li vens me vient, li vens m’esvente,
Et trop sovent
Plusors foies sent le vent.
Bien le m’ot griesche en covent
Quanques me livre ;
Bien me paie, bien me délivre :
Contre le sout me rent la livre
De grant poverte.
Povretez est sor moi reverte :


    que le nom de gruesche ou griesche, donné au jeu de volant en Anjou, pourrait bien être dérivé de celui que les enfants jouent encore en Sologne sous le nom de pirouette, et qui consiste à recevoir et à renvoyer avec des palettes de bois un volant dont les plumes sont piquées sur un petit cylindre de bois que les enfants nomment drue ou grue au jeu de palet. Ne pourrait-on pas conclure de cette explication que par ces mots : la Griesche d’esté, la Griesche d’yver, Rutebeuf a voulu, par allusion au jeu dont nous parlons, dépeindre en quelque sorte la ténacité avec laquelle la misère s’attachait à lui, le poursuivant sans relâche d’une saison à l’autre, et le renvoyant toujours malheureux de l’hiver à l’été, comme un volant ? Du reste, c’est peut-être ici le cas de citer ces trois vers que Gauthier de Metz a placés au commencement du 2e livre de son Image du monde :

    Maintes coses sont en romans
    Dont cascuns n’entent pas les sens
    Encor sace-il bien le langage.

    Si cela était vrai en 1247, époque de la confection du poëme de Gauthier, combien davantage ne doit-ce pas l’être aujourd’hui !(Voyez, pour cette date, mon édition de La légende de saint Brandaines, page 164.)