Aller au contenu

Page:Rutebeuf - Oeuvres complètes, recueillies par Jubinal, tome I, 1839.djvu/74

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
42
COMPLAINTE AU ROI DE NAVARRE.

Large, cortois et net et monde,
Et boen au chans et à l’ostei,
Tel le nos a la mort ostei[1].
Ne croi que mieudres crestiens,
Ne jones hom ne anciens,
Remainsist la jornée en l’ost ;
Si ne croi mie que Dieux l’ost[2]
D’avec les sainz, ainz l’i a mis,
Qu’il at toz jors estei amis
A sainte Eglize et à gent d’ordre[3].
Mout en fait la mors à remordre
Qui si gentil mortel a mors ;
Piesà ne mordi plus haut mors :
Jamais n’iert jors que ne s’en plaigne
Navarre et Brie et Champaingne.
Troie, Provins, et li dui Bar[4],
Perdu aveiz vostre tabar[5],
C’est-à-dire vostre secours.
Bien fustes fondei en décours[6] ;

  1. Voyez la note C, à la fin du volume.
  2. L’ost pour l’ôte.
  3. C’est-à-dire : aux ordres religieux.
  4. Voyez à la fin du volume, sur ces villes, la note D.
  5. Le tabar était une espèce de manteau qui se mettait par-dessus l’armure. Ici, comme le poëte l’explique lui-même, il l’entend dans le sens figuré de protection, soutien. On lit dans le roman du petit Jehan de Saintré : « Et quant mes lettres furent faites, il me mena prendre congié du Roy, qui me fit très-bonne chière, et, pour l’amour de notre sire le Roy, aussi de vous, me fit donner un tabar de velours figuré, noir, fourré de martres zebelines, et cent florins d’Aragon. » On trouve dans le roman de sir Walter Scott, Quentin Durward, quelques détails sur le tabar. M. le docteur Meyrick, membre de la Société royale des Antiquaires de Londres, a fait imprimer dans les Mémoires de cette Société une savante dissertation sur les vêtements de guerre, où il parle de celui-là.
  6. Cette expression, fondei en décours, est plus facile à entendre qu’à