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Page:Rutebeuf - Oeuvres complètes, recueillies par Jubinal, tome I, 1839.djvu/82

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COMPLAINTE DOU CONTE DE POITIERS.

Tant l’ama li bon cuens Aufons[1]
Que ne croi c’onques en sa vie
Pensast .i. rain de vilonie.
Se por ameir Dieu de cuer fin
Dou bersuel juques en la fin
Et por sainte Églize enoreir,
Et por Jhésu-Crist aoureir
En toutes les temptacions,
Et por ameir religions[2]
Et chevaliers et povre gent
Où il a mis or et argent,
C’onques ne fina en sa vie,
Ce por c’est[3] arme en cielz ravie,
Dont i est jà l’arme le Conte
Où plus ot bien que ne vos conte.
Se que je vi puis-je bien dire :
Onques ne le vi si plain d’ire
C’onques li issist de sa bouche
Choze qui tornast à reprouche ;
Mais biaux moz, boenz enseignemens.
Li plus grans de ces sairemens

  1. Li cuens Aufons, le comte Alphonse ; nom du frère de saint Louis.
  2. Alphonse aima beaucoup en effet les religions, c’est-à-dire : les couvents. Nous voyons qu’outre les dons considérables qu’il leur fit durant sa vie, il leur légua encore en mourant, par son testament, l’énorme somme de 10,000 livres, non compris quelques dispositions accessoires.

    De cela nous ne le blâmons point ; mais ce que nous lui reprocherons, c’est d’avoir fait pour l’inquisition, en quelques années, une dépense de plus de 20,000 livres. À côté de ceci se place pourtant un fait curieux à remarquer : c’est que le comte de Toulouse refusa toujours obstinément d’exécuter les legs faits au pape et à diverses corporations religieuses par son prédécesseur Raymond VII.

  3. Il y a ici une élision curieuse. Ce por c’est arme, etc., c’est-à-dire : Si pour cela une âme est transportée au ciel.