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Page:Séché - Les Muses françaises, I, 1908.djvu/101

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VERS POUR MADAME DE RASGNY


De sang et de beauté, d’heur et de biens ensemble,
Tu me passes, Cypierre ; ailleurs je te ressemble.
Nous avons toutes deux, franches de vain orgueil,
Un train de mœurs bénin suivi d’un doux accueil.
La moyenne hauteur borne nos deux corsages.
Nos deux esprits sont ronds et ronds nos deux visages.
L’orient de mes jours suivit de près le tien.
Paris fut ton berceau qui fut aussi le mien.
Nous savons toutes deux et parler et nous taire.
Toutes deux feuilletons la muse et son mystère.
Lorsqu’une haute fête allume son beau jour.
Roulant quatre fois l’an d’un solennel retour.
Nos deux âmes ne sont aux devoirs négligentes.
Toutes deux détestons les actions méchantes.
En toutes deux encor la modestie a lieu.
Vertu de femme et d’homme, et vertu d’un grand Dieu.
Nous sommes toutes deux d’humeur officieuse.
L’une et l’autre est aussi vers affligé pieuse.
Ton esprit et le mien au devis s’est jeté.
Devis d’un air discret, tout orné de gaieté.
Toutes deux proclamons, d’une sentence juste.
Notre duc de Nevers, fleur de sa race auguste.
Or, certes, de ces biens l’hommage je te doi :
Car je les tiens d’exemple en m’approchant de toi.


À MICHEL, SEIGNEUR DE MONTAIGNE
sur ses « essais »


Ainsi que l’œil d’un astre, ornement de la nuit,
Qui voit du nouveau jour la pressante saillie[1].
Rallumant tout en soi sa vigueur recueillie
Décoche un vif éclair, puis à chef bas[2], s’enfuit.

Ainsi la France hélas ! dont jà le bûcher luit[3]
Pour voir d’un haut honneur sa détresse assouvie.

  1. Saillir : Sortir impétueusement ; S’élancer.
  2. Tête basse (en se se dérobant)
  3. « Il naquit sur l’entrée des guerres civiles de religion, et ceci fut écrit durant celles de la Ligue. (Note de Mlle de Gournay) ».