Aller au contenu

Page:Séché - Les Muses françaises, I, 1908.djvu/103

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.



MADELEINE DE SCUDÉRY




C’est au Havre-de-Grâce qu’elle naquit, le 15 novembre 1607. Elle était d’une maison noble et ancienne, originaire du royaume de Naples et établie en Provence depuis deux ou trois siècles. Son père avait servi sur terre et sur mer et obtenu, sous l’amiral de Villars, le commandement du Havre-de-Grâce. Orpheline à six ans et sans fortune, elle fut recueillie, avec son frère Georges, par son oncle qui les éleva paternellement et leur fit donner une éducation très soignée.

Vers sa vingtième année, Mlle de Scudéry vint retrouver à Paris son frère qui, après avoir servi quelque temps dans les armées du roi, était entré dans la carrière des lettres et s’était fait déjà un certain renom.

Dès 1630, Georges et Madeleine de Scudéry comptaient parmi les habitués les plus en vue de l’Hôtel de Rambouillet. L’esprit et l’amabilité de Mlle de Scudéry sont ainsi appréciés par Chapelain dans une lettre à Balz<ac : « Il faut avouer que c’est une des plus spirituelles et tout ensemble « des plus judicieuses filles qui soient en France. Elle sait très bien l’italien et l’espagnol ; elle fait très passablement des vers ; elle est très « civile et de très exquise conversation. Enfin, ce serait une personne « accomplie, si elle n’était un peu beaucoup laide. Mais vous savez que, nous « autres philosophes, nous ne connaissons de vraie beauté que celle de « l’âme, qui ne passe point, et qu’un jour Mlle de Scudéry aura la consolation « de voir Mme de Montbazon aussi peu belle qu’elle. »

La grande réputation de Mlle de Scudéry auprès de ses contemporains lui vint de ses romans : l’Illustre Bassa, Cyrus. Clélie, etc. ; encore qu’ils aient d’abord été publiés sous le nom de son frère qui, d’ailleurs, y collabora quelque peu. Ces romans, qui ont deux, huit et dix volumes, ne sont pas, malgré leurs titres, des romans historiques, mais dos romans de mœurs contemporaines où Louis XIV, le prince de Condé et la société du temps étaient peints sous des noms supposés.

En 1652, Mlle de Scudéry inaugura des samedis qui auront une grande vogue. Tous les autours et les personnages d’importance fréquentaient sa demeure, d’abord Vieille-rue-du-Temple, puis rue de Beauce au Marais. C’était une sorte d’hôtel de Rambouillet au petit pied et, en réalité, plus un bureau d’esprit qu’un salon. Ces réunions avaient d’ailleurs succédé à celles de la marquise que la Fronde avait quelque peu dépeuplées. Ce fut là que triompha le précieux. Mlle de Scudéry s’y laissait appeler la Muse du Murais ou encore la nouvelle Sapho et l’on sait que Boileau ne lui a pas épargné les traits de ses satires. Il est juste de dire que c’est toujours a ses ouvrages qu’il s’en prends car la vie de Mlle de Scudéry, peut-être à cause de ce que Chapelain contait à Balzac, fut toujours exemplaire.

Elle avait remporté, en 1071, le prix d’éloquence à l’Académie Française pour son discours De la Louange et de la Gloire. cardinal Mazarin lui laissa une pension par son testament ; elle en avait une sur le sceau, laissée par le chancelier Boucherat ; enfin, Louis XIV, en 1683, lui en donna une autre de 2.000 livres sur sa cassette. 1,’Académie des Ricovrati de Padoue l’admit parmi ses membres, après la mort d’Hélène Carnaro.

Elle mourut elle-même, à Paris, le 2 juin 1701, dans un Age fort avancé.