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Page:Ségur - Quel amour d’enfant.djvu/383

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ici, dans ce même salon où je vous retrouve vêtue de deuil et versant des pleurs. Pauvre Giselle ! vous avez donc bien souffert ?

giselle.

J’ai eu un temps d’enivrement ; je me croyais heureuse. Après vous avoir pleuré quelques instants, je n’ai plus songé à vous, votre souvenir ne m’est revenu que dans le malheur. J’ai subi le joug d’une tendresse passionnée que je ne partageais pas ; j’en ai abusé au point de la détruire complètement. J’ai eu mille peines, mille soucis ; j’ai ruiné mon mari ; je l’ai précipité dans une vie désordonnée qui a causé sa mort. J’ai abandonné mes parents toujours trop bons pour moi. Et quand j’ai fait un retour sur moi-même, il était trop tard ; le bonheur ne devait plus être mon partage. J’ai vingt-sept ans, et la vie est déjà finie pour moi ! En vous retrouvant toutefois, je me sens un peu consolée. Il me semble que c’est un secours que m’a envoyé le bon Dieu pour revenir entièrement à lui. Et vous, Julien, qu’êtes-vous devenu pendant mes dix années de coupables folies et de malheur ? je n’ai jamais osé parler de vous. Êtes-vous marié ? Avez-vous des enfants ?

julien.

Non, Giselle ; j’ai longtemps vécu seul chez