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Page:Sénèque - Œuvres complètes, trad. Baillard, tome II.djvu/346

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choses évidentes ; son plus grand, son plus beau domaine est dans les choses cachées. Ce qui est caché veut des preuves ; nulle preuve sans dogmes ; donc les dogmes sont nécessaires. La croyance aux choses certaines, qui fait le sens commun, fait aussi le sens parfait ; sans elle tout n’est dans l’âme que fluctuation ; de là encore la nécessité du dogme qui donne aux esprits la règle inflexible de jugement. Enfin, quand nous avertissons un homme de mettre son ami sur la même ligne que lui-même, de songer qu’un ennemi peut devenir ami, de redoubler d’affection envers l’un, de modérer sa haine pour l’autre, nous ajoutons : « Cela est juste et digne de l’honnête homme. » Eh bien, le juste et l’honnête sont renfermés dans le code de nos dogmes, code par conséquent nécessaire, puisque sans lui le juste ni l’honnête n’existent plus.

Mais joignons dogmes et préceptes : car sans la racine les rameaux sont stériles, et la racine profite à son tour des rameaux qu’elle a produits. Personne ne peut ignorer de quelle utilité sont les mains ; leurs services sont manifestes : mais le cœur, de qui les mains reçoivent la vie, la force et le mouvement, le cœur reste caché. Je puis dire de même des préceptes qu’ils paraissent à découvert, mais que les dogmes de la sagesse s’enveloppent de mystère. Ce qu’il y a de plus saint dans les choses sacrées est révélé aux initiés seuls ; ainsi la philosophie ne dévoile ses derniers secrets qu’aux adeptes quelle admet dans son sanctuaire, tandis que ses préceptes et autres détails de ce genre sont connus même des profanes.

Posidonius estime nécessaires non-seulement la préception, terme que rien ne nous empêche d’employer, mais encore les conseils, la consolation et l’exhortation. Il y ajoute la recherche des causes, l’ætiologie, si j’ose ainsi parler, et pourquoi ne le ferais-je pas, quand nos grammairiens, gardiens de la pure latinité, se croient en droit d’adopter ce mot ? Posidonius dit que la définition de chaque vertu serait utile, ce qu’il appelle éthologie et quelques-uns χαρακτηρισμόν, exposé des caractères et des symptômes de chaque vertu et de chaque vice, pour différencier ce qui paraît semblable. Ce procédé a la même portée que les préceptes. Le précepte dit : « Tu feras telle chose si tu veux être tempérant. » La définition : « Être tempérant ; c’est faire telle chose et s’abstenir de telle autre. » Où est la différence ? L’un donne les préceptes de la vertu, et l’autre le modèle. Ces définitions, ou, pour me servir du terme