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Page:Sénèque - Œuvres complètes, trad. Baillard, tome II.djvu/472

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QUESTIONS NATURELLES.

éloignés, bien qu’ils paraissent les ceindre et leur faire une couronne. C’est près de la terre que se dessinent ces apparitions ; et l’œil de l’homme, toujours faible et trompé, les place autour des astres mêmes. Rien de pareil ne peut se former dans le voisinage du soleil et des étoiles, où règne l’éther le plus subtil. Car les formes ne peuvent absolument s’imprimer que sur une matière dense et compacte ; sur des corps subtils elles n’ont pas de prise ou ne tiennent pas. Dans nos bains mêmes, on observe un effet semblable autour des lampes, au milieu de cet air dense et obscur, surtout par le vent du midi, qui rend l’atmosphère lourde et épaisse. Ces cercles parfois se dissolvent et s’effacent insensiblement, parfois se rompent sur un point, et les marins attendent le vent du côté du ciel où la rupture s’est faite : l’aquilon, si c’est au nord ; si c’est au couchant, le zéphyre. C’est une preuve que ces couronnes prennent naissance dans la même région que les vents. Au delà, les vents ne se forment plus, ni par conséquent les couronnes. À ces preuves ajoute que jamais ces météores ne s’engendrent que dans un air immobile et stagnant ; le contraire ne se voit pas. En effet, un air tranquille peut recevoir une impulsion, prendre une figure quelconque ; un air agité se dérobe à l’action même de la lumière, car il n’a ni forme ni consistance ; les molécules frappées les premières sont aussitôt disséminées. Ces cercles donc qui couronnent les astres n’auront jamais lieu qu’au sein d’une atmosphère dense et sans mouvement, et par là propre à retenir le faisceau conique de lumière qui vient la frapper. Et en effet, reviens à l’exemple que je citais tout à l’heure. Une pierre jetée dans un bassin, dans un lac, dans toute eau dormante, y produit des cercles sans nombre ; ce qu’elle ne fait pas dans une eau courante. Pourquoi ? Parce que toute figure est brisée par la fuite de l’eau. 11 en est de même pour l’air : tranquille, il peut recevoir une forme : impétueux et agité, il se dérobe et brouille toutes les empreintes qui veulent s’y appliquer. Quand les couronnes se dissolvent également sur tous les points, et s’évaporent sans déplacement, c’est une marque que l’air est tranquille ; et ce calme universel annonce de l’eau. Se rompent-elles d’un côté seulement, le vent soufflera du côté de la rupture ; se déchirent-elles en plusieurs endroits, il y aura tempête. Tous ces accidents s’expliquent par ce que j’ai exposé plus haut. Car, que l’ensemble du phénomène se décompose à la fois, cela démontre l’équilibre, et, partant, le calme de l’air. Si la fracture