Aller au contenu

Page:Sénèque - Œuvres complètes, trad. Baillard, tome II.djvu/505

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
495
LIVRE II.

nous laisse pas voir. Ajoute qu’il se peut que des nuages bas et voisins du sol fassent jaillir de leur choc un feu qui, poussé plus haut, se montre dans la partie pure et sereine du ciel ; mais toujours naît-il dans une région plus grossière.

XXVII. On a distingué plusieurs espèces de tonnerres. Il en est qui s’annoncent par un murmure sourd comme celui qui précède les tremblements de terre, et que produit le vent captif et frémissant. Comment pense-t-on que se forme ce phénomène ? le voici. Quand l’air se trouve enfermé dans un amas de nuages où il se roule de cavités en cavités, il fait entendre une sorte de mugissement rauque, uniforme et continu. Et comme, si elles sont chargées d’éléments humides, les régions basses du ciel lui ferment passage, les tonnerres de cette espèce sont les préludes d’une pluie imminente. Il est une autre espèce de tonnerre dont le son est aigu, aigre même, pour mieux dire, tel que l’éclat d’une vessie qu’on brise sur la tête de quelqu’un. Ces tonnerres ont lieu lorsqu’un nuage roulé en tourbillons crève et chasse l’air qai le distendait. Ce bruit se nomme proprement fracas : aussi soudain qu’éclatant, il terrasse et tue les hommes ; quelques-uns, sans perdre la vie, demeurent étourdis et sont tout à fait hors d’eux-mêmes, attoniti ; ainsi appelle-t-on ceux que l’explosion du feu céleste a jetés dans l’aliénation. Cette explosion peut venir aussi d’un air enfermé dans le creux d’un nuage et qui, raréfié par son mouvement même, se dilate, puis, cherchant à se faire une plus large place, résonne contre les parois qui l’enveloppent. Car enfin, si nos deux mains frappées l’une contre l’autre retentissent avec force, la collision de deux nuées ne doit-elle pas produire un bruit d’autant plus grand que ce sont de plus grandes masses qui s’entre-choquent ?

XXVIII. On voit, me dira-t-on, des nuages heurter des montagnes, sans qu’il en résulte de retentissement. Mais d’abord toute collision de nuages ne produit pas de bruit ; il faut pour cela une aptitude, une disposition spéciale. Ce n’est pas en battant des mains sur le revers qu’on peut applaudir, c’est en frappant paume contre paume ; il y a même une grande différence selon qu’on frappe du creux ou du plat des mains. Ensuite, il ne suffit pas que les nuages se meuvent, il faut qu’ils soient poussés violemment par une sorte de tourmente. D’ailleurs, la montagne ne fend pas la nue ; elle en change seulement la direction, et en émousse les parties saillantes. Il ne suffit pas que l’air sorte d’une vessie gonflée, pour rendre un