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QUESTIONS NATURELLES.

les Toscans, qui a dirigé leur vol. — Tu lui supposes trop de loisir et tu l’occupes de bien chétifs détails, si tu crois qu’il arrange des songes pour tel homme, des entrailles de victimes pour tel autre. Sans doute l’intervention divine a lieu dans nos destinées ; mais ce n’est pas Dieu qui dirige les ailes de l’oiseau, et qui dispose les entrailles des animaux sous la hache du sacrificateur. Le destin se déroule d’une tout autre manière : il envoie d’avance et partout des indices précurseurs, dont les ans nous sont familiers, les autres, inconnus. Tout événement devient le pronostic d’un autre ; les choses fortuites seules et qui s’opèrent en dehors de toute règle, ne donnent point prise à la divination. Ce qui procède d’un certain ordre peut dès lors se prédire. On demandera pourquoi l’aigle a le privilège d’annoncer les grands événements, le corbeau de même, et d’autres oiseaux en fort petit nombre, tandis que la voix des autres n’a rien de prophétique ? C’est qu’il y a des faits qui ne sont pas encore entrés dans le corps de la science, et d’autres qui ne peuvent même y entrer, parce qu’ils se passent trop loin de nous. Du reste, il n’est aucun être dont les mouvements et la rencontre ne présagent quelque chose. Si tous les indices ne sont pas remarqués, quelques-uns le sont. L’auspice a besoin de l’observateur ; il relève de l’homme qui y dirige son attention ; ceux qui passent inaperçus n’en avaient pas moins leur valeur. L’influence des cinq planètes est consignée dans les observaiions des Chaldéens. Mais dis-moi, tant de milliers d’astres luiraient-ils en vain dans le ciel ? Qu’est-ce qui égare les tireurs d’horoscopes, sinon leur système de ne rattacher notre sort qu’à cinq astres seulement ; quand pas un de tous ceux qui brillent sur nos têtes n’est sans quelque influence sur notre avenir ? Les astres les plus rapprochés de l’homme agissent peut-être plus immédiatement sur lui, tout comme ceux qui, par la fréquence de leurs mouvements, le frappent sous des aspects plus variés[1]. Mais ceux même qui sont immobiles, ou que leur rapidité, égale à celle de tout le monde céleste, fait paraître tels, ne laissent pas d’avoir droit et empire sur nous. Regarde au vol des oiseaux, puis agis en chaque chose selon le devoir[2]. Mais il n’est pas plus facile d’apprécier ces influences, qu’il n’est permis de le mettre en doute,

  1. Je lis comme Fickert, d’après un Mss. : aliterque prospiciunt. Lemaire : aliter cetera animalia.
  2. J’adopte la leçon de Fickert : Alites…tractæ. Lemaire : Aliud…tractas.