Aller au contenu

Page:Sénèque - Œuvres complètes, trad. Baillard, tome II.djvu/517

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
507
LIVRE II.

LIII. Une chose étrange, c’est que le vin gelé par la foudre, et revenu à son premier état, est un breuvage mortel ou qui rend fou. J’ai cherché la cause de ce phénomène : voici l’idée qui s’est offerte à moi. Il y a dans la foudre quelque chose de vénéneux, dont vraisemblablement il demeure des miasmes dans le liquide condensé et congelé, qui, en effet, ne pourrait se solidifier si quelque élément de cohésion ne s’y ajoutait. L’huile, d’ailleurs, et tous les parfums touchés de la foudre, exhalent une odeur repoussante : ce qui fait voir que ce feu si subtil, dénaturant tout ce qu’il attaque, renferme un principe pestilentiel, qui tue non-seulement par le choc, mais par la simple exhalation. Enfin, partout où la foudre tombe, il est constant qu’elle y laisse une odeur de soufre ; et cette odeur naturellement forte, respirée à mainte reprise, peut causer le délire. Nous reviendrons à loisir sur ces faits. Peut-être tiendrons-nous à prouver combien la théorie qu’on en a faite découle immédiatement de cette philosophie, mère des arts, qui la première a cherché les causes, observé les effets et, ce qui est bien préférable à l’inspection de la foudre, rapproché les résultats des principes.

LIV. Je reviens à l’opinion de Posidonius. De la terre et des corps terrestres s’exhalent des vapeurs, les unes humides, les autres sèches et semblables à la fumée : celles-ci alimentent les foudres, et celles-là les pluies. Les émanations sèches et fumeuses qui montent dans l’atmosphère ne se laissent pas enfermer dans les nuages, et brisent leurs barrières ; de là le bruit qu’on appelle tonnerre. Dans l’air même il est des molécules qui s’atténuent et qui, par là, se dessèchent et s’échauffent. Retenues captives, elles cherchent de même à fuir et se dégagent avec fracas. L’explosion est tantôt générale et accompagnée d’une violente détonation, tantôt partielle et moins sensible. L’air ainsi modifié fait qu’il tonne, soit qu’il déchire les nuages, soit qu’il vole au travers. Mais le tourbillonnement de l’air emprisonné dans la nue est la cause la plus puissante d’inflammation.

LV. Le tonnerre n’est autre chose que l’explosion des vapeurs sèches de l’air ; ce qui n’a lieu que de deux manières, par frottement ou par éruption. La collision des nuages, dit Posidonius, produit aussi ce genre de détonation ; mais elle n’est pas complète, parce que ce ne sont pas de grandes masses qui se heurtent, mais des parties détachées. Les corps mous ne retentissent que s’ils se choquent contre des corps durs ; ainsi les