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LIVRE VI.

menses cavités. « Mais, dira-t-on, comme le froid nous fait frissonner et trembler, l’air extérieur ne produit-il pas la même impression sur la terre ? » La chose n’est nullement possible ; il faudrait que la terre fût sensible au froid, pour qu’il lui arrivât, comme à nous, de frissonner sous une influence extérieure. Que la terre éprouve quelque chose d’analogue à ce que ressent l’homme, mais par une cause différente, je l’accorde. La force qui la bouleverse doit venir d’une plus grande profondeur ; et le meilleur argument qu’on en puisse donner, c’est que dans ces véhémentes commotions qui entr’ouvrent le sol et dans ces immenses écroulements, des villes entières sont parfois dévorées par le gouffre qui les ensevelit. Thucydide raconte que vers l’époque de la guerre du Péloponnèse l’île d’Atalante fut totalement ou du moins en grande partie détruite. Sidon eut le même sort, s’il faut en croire Posidonius. Et il n’est pas besoin ici d’autorités : n’avons-nous pas souvenir que des convulsions intestines du globe ont séparé, rejeté au loin des lieux qui se touchaient, et anéanti des campagnes ? Je vais dire comment, selon moi, les choses se passent alors.

XXV. Quand le vent, engouffré dans une vaste cavité terrestre qu’il remplit, commence à lutter, à chercher une issue, il frappe à maintes reprises les parois qui l’enferment, et au-dessus desquelles des villes quelquefois sont assises. Tantôt les secousses sont telles, que les édifices placés à la surface du sol en sont renversés ; souvent, plus puissantes encore, elles font crouler ces mêmes parois qui supportent l’immense voûte par dessus le vide, et y engloutissent avec elles des villes entières, à des profondeurs inconnues. On prétend, si tu veux le croire, que jadis l’Ossa et l’Olympe ne faisaient qu’un, mais qu’un tremblement de terre les a disjoints ; qu’il a fendu en deux l’énorme montagne ; qu’alors on vit jaillir le Pénée, qui, laissant à sec les marais dont la Thessalie avait à souffrir, entraîna avec lui leurs eaux croupissantes faute d’écoulement. L’origine du Ladon, qui coule entre Élis et Mégalopolis, vient d’un tremblement de terre. Que prouvent ces faits ? Que de vastes cavernes (quel autre nom donnerais-je aux cavités souterraines ?) servent à l’air de réceptacle ; sinon les secousses embrasseraient de bien plus grands espaces, et plusieurs pays seraient ébranlés du même coup. Mais elles ne se font sentir que dans des limites fort restreintes, et jamais jusqu’à deux cents milles. Le tremblement dont le monde entier vient de parler n’a point dépassé la Campanie. Ajouterai-je que, quand