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Page:Sénèque - Œuvres complètes, trad. Baillard, tome II.djvu/624

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QUESTIONS NATURELLES.

trée celle que nous avons vue sous l’heureux principat de Néron, et qui suivait sa courbe en sens inverse de celle qui parut sous Claude. Car, partie du septentrion et s’élevant vers le midi, elle gagna l’orient en s’obscurcissant toujours davantage ; l’autre, venue du même point, avec tendance vers l'occident, tourna au midi où elle disparut. C’est que la première, nourrie d’éléments plus humides et plus propres à la combustion, les suivit toujours ; la seconde eut pour elle une région plus féconde et plus substantielle. Les comètes se dirigent donc où les attire leur aliment, et non dans une voie prescrite. Les circonstances furent différentes pour les deux que nous avons observées, puisque l’une se portait à droite, l’autre à gauche. Or le mouvement de toutes les planètes a lieu du même côté, c’est-à-dire en un sens contraire au mouvement des cieux. Les cieux roulent de l’est à l’ouest ; les planètes vont de l’ouest à l’est. Aussi ont-elles deux mouvements, celui qui leur est propre, et celui qui les emporte avec tout le ciel.

XXII. Je ne pense pas comme nos stoïciens. Selon moi, la comète n’est pas un feu qui s’allume subitement ; c’est une des créations éternelles de la nature. D’abord tout météore, comme fils de l’air, dure peu ; car il naît dans un élément fugace et prompt à changer. Quel météore subsisterait longtemps sans se modifier, dans l’air qui ne demeure jamais le même, qui, toujours fluide, n’est que passagèrement calme ? En moins de rien il passe d’un état à un autre, ou pluvieux, ou serein, ou dans un milieu variable. Les nuages dans lesquels il se condense si habituellement pour se dissoudre ensuite, tantôt s’agglomèrent, tantôt se disséminent, jamais ne restent sans mouvement. Il est impossible qu’un feu permanent siège en un corps si mobile, et y adhère avec la ténacité de ceux que la nature a faits inaltérables, en les plaçant à poste fixe. D’ailleurs, si la comète était inséparable de son aliment, elle descendrait toujours. Car l’air est d’autant plus épais qu’il est plus voisin de la terre : or, jamais les comètes ne descendent si bas et n’approchent de notre sol. Enfin, le feu va où sa nature le mène, c’est-à-dire en haut ; ou bien il se porte où l’attire la matière à laquelle il s’attache et dont il se nourrit.

XXIII. Les feux célestes ordinaires n’ont point une route tortueuse ; il n’appartient qu’aux astres de décrire des courbes. D’anciennes comètes en ont-elles décrit ? Je l’ignore ; mais de notre temps deux l’ont fait. Ensuite tout feu qu’une cause temporaire allume s’éteint promptement. Ainsi les torches ne lui-