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Page:Sénèque - Œuvres complètes, trad. Baillard, tome II.djvu/628

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QUESTIONS NATURELLES.

nature qu’eux, malgré la différence de leur aspect ? Car enfin, le ciel même, à le bien considérer, ne se compose-t-il pas de parties diverses ? D’où vient que le soleil est toujours ardent dans le signe du Lion, d’où il dessèche et brûle la terre ; tandis que dans le Verseau il rend l’hiver plus intense et enchaîne les fleuves d’une barrière de glace ? Les deux signes pourtant sont de même espèce, quoique leurs effets et leur nature soient fort opposés. Le Bélier se lève en fort peu de temps ; la Balance est des plus tardives ; et ces deux signes n’en sont pas moins de même nature, malgré la vélocité de l’un et la lenteur de l’autre. Ne vois-tu pas combien les éléments sont opposés entre eux ? Ils sont pesants ou légers, froids ou chauds, humides ou secs. Toute l’harmonie de l’univers résulte de discordances. Tu nies que la comète soit un astre, parce que sa forme ne répond pas au type que tu t’es fait et n’est pas celle des autres. Mais considère combien l’astre qui n’achève sa révolution qu’en trente ans ressemble peu à celui qui en un an a fini la sienne. La nature ne tire pas tous ses ouvrages d’un moule uniforme ; elle est fière de sa variété même. Elle a fait tel astre plus grand, tel autre plus rapide ; celui-ci a plus de puissance ; l’action de celui-là est plus modérée ; quelques-uns, mis par elle hors de ligne, marchent isolés et avec plus d’éclat ; les autres sont relégués dans la foule. On méconnaît les ressources de la nature, si l’on croit qu’elle ne peut jamais que ce qu’elle fait habituellement. Elle ne montre pas souvent des comètes ; elle leur a assigné un lieu à part, des périodes différentes, des mouvements tout autres que ceux des planètes. Elle a voulu rehausser la grandeur de son œuvre par ces apparitions, trop belles pour qu’on les croie fortuites, soit qu’on ait égard à leur dimension, soit qu’on s’arrête à leur éclat plus ardent et plus vif que celui des autres étoiles. Leur aspect a ceci de remarquable et d’exceptionnel, qu’au lieu d’être enfermée et condensée dans un disque étroit, la comète se déploie librement et embrasse la région d’un grand nombre d’étoiles.

XXVIII. Aristote dit que les comètes présagent des tempêtes, des vents violents, de grandes pluies. Pourquoi, en effet, ne pas croire qu’un astre puisse être un pronostic ? Ce n’est pas sans doute un signe de tempête, comme il y a signe de pluie lorsqu’une lampe

Se couvre en pétillant de noirs flocons de mousse[1] ;

  1. Géorg., I, 392. Delille.