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Page:Sénèque - Œuvres complètes, trad. Baillard, tome II.djvu/642

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Chacun doit se dire, pour être moins aisément pris à des démonstrations fardées : C'est une chose rare que l'amitié ; elle n'est point banale et commune, à pouvoir remplir des maisons entières, comme le vulgaire se l'est persuadé. Quand la nature a celé l'or avec tant de soin que, cherché partout, il laisse à peine saisir un de ses filons dans toute une montagne, croyez-vous qu'un ami se trouve en tous lieux, sans nulle peine, sans nulle recherche ? Quoi de plus simple, dit-on, de plus facile à reconnaître ? Eh bien non ; il n'est or ni argent aussi profondément cachés.

Sur la vie de son père.

Si tout ce que mon père a composé et destiné à voir le jour avait été déjà livré par moi à la publicité, la gloire de son nom serait sûre, il y avait par lui-même suffisamment pourvu ; car, ou la piété filiale m'abuse, et elle est honorable jusqu'en ses erreurs, ou on le mettrait au rang des esprits qui ont conquis l'illustration ayant pour simples titres leurs écrits. Qui aurait lu ses histoires depuis les premières guerres civiles, époque où la vérité a commencé à disparaître de nos annales, jusqu'au jour presque de sa mort, mettrait un grand prix à savoir de quels parents est né cet homme à qui l'histoire romaine…(Extraits de Palimpsestes découverts par Angelo Maï, et publiés à Rome en 1820.)

Épitaphe de Sénèque[1].

Soins, labeurs dévoués, charges, honneurs, richesses,
Allez, portez ailleurs l'appât de vos promesses ;
Loin de vous Dieu m'appelle à l'éternel repos :
J'ai fait ma tâche. Adieu donc, terre hospitalière !
Tu veux ce corps : prends-le, qu'il dorme sous sa pierre.
Je rends mon âme au ciel, et te laisse mes os.

  1. Voici le texte de cette épitaphe. Jugée apocryphe par quelques critiques, elle se trouve dans peu d'éditions:
    Cura, labor, meritum, sumpti pro munere honores,

    Ite, alias posthac sollicitate animas.
    Me procul a vobis Deus avocat. Ilicet actis
    Rebus terrenis, hospita terra, vale.
    Corpus avara tamen solemnibus excipe saxis;

    Namque animam cœlo reddimus, ossa tibi.