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Page:Sénèque - De la vie heureuse.djvu/40

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nom dès qu’elle perd son rang ; en attendant, pour parler de ce qui nous occupe, je vous montrerai nombre d’hommes entourés par les plaisirs, sur lesquels la fortune a répandu tous ses dons, et que vous serez forcé de reconnaître méchants. Voyez un Nomentanus, un Apicius, recherchant à grands frais ce qu’ils appellent les biens de la terre et de l’onde, et passant en revue sur leur table les animaux de tous les pays. Voyez-les du haut d’un lit de roses contempler l’orgie qu’ils ordonnent, charmer leurs oreilles par le son des voix, leurs yeux par des spectacles, leur palais par d’exquises saveurs. La moelleuse et douce pression des coussins caresse tout leur corps ; et pour que leurs narines mêmes prennent part à la fête, des parfums variés embaument jusqu’aux salles où sont offerts à la mollesse des repas qu’on peut dire funèbres. Ces gens-là, allez-vous dire, nagent dans les délices ; mais ils auront à souffrir, parce que ce n’est pas le vrai bien qui fait leur joie.


XII. « Ils auront à souffrir, dites-vous, parce que leur vie est sous le coup de mille causes de trouble moral, et le conflit des opinions agitera leurs esprits. » Cela est vrai, je vous l’accorde ; mais ces esprits égarés, capricieux et sous le coup du repentir, n’en perçoivent pas moins de vives vo-