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Page:Séverin - Théodore Weustenraad, poète belge, 1914.djvu/194

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Des vers, que feras-tu de cette marchandise ?
Attends donc que la bourse en ait coté le prix.


Si c’est pour conserver un souvenir fidèle
D’un ami qui bientôt n’en composera plus,
Eh ! bien, garde ceux-ci, mais ne va pas, ma belle,
Me dire : Est-ce là tout ? après les avoir lus.


J’aurais pu te rimer quelque couplet aimable
Sur tes yeux, tes cheveux, ta bouche… et cetera.
Mais le genre est usé ; puis il est fade en diable ;
Ne te nourris jamais de ces sornettes-là.


Elles font mal au cœur et souvent à la tête.
Préfère au faux le vrai, l’austère même au doux,
Et ne brigue, plus tard, qu’une seule conquête,
L’amour d’un honnête homme et l’estime de tous.

Ces vers sont assez prosaïques, quoique d’un tour naturel et d’une langue ferme ; et, pour des vers dédiés à une jeune fille, on les trouvera peu galants, bien qu’ils contiennent d’utiles conseils. Ils sont d’un poète désabusé, chez qui les grands enthousiasmes ont fait place à une sagesse amère. On remarquera surtout les vers mélancoliques où Weustenraad fait ses adieux à la poésie. Lui semblait-elle désormais un passe-temps trop frivole ? Ou bien n’y renonçait-il que malgré lui, pris du pressentiment de sa fin prochaine ?

Weustenraad ne retourna pas directement de Liège à Bruxelles ; il prit le chemin des écoliers et passa par Jambes, où il arriva le 23 juin après-midi. Il