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Page:Sabin Berthelot Journal d un voyageur 1879.djvu/64

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journal

grotesques très-bien exécutées où chaque personnage fait une grimace, chaque geste une contorsion. Nous étions émerveillés devant tout ce luxe extravagant. Nulle part à Lombok, on ne trouve des traces de chefs-d’œuvre pareils. Quelle était donc cette époque brillante qui avait vu s’élever ces constructions ? Quel fut l’artiste et l’ordonnateur de cette demeure princière, ensevelie aujourd’hui dans l’oubli ? Le nom du glorieux Rajah qui habita ce beau palais est resté ignoré.

26 août 1851.
Expédition nocturne.
(La tête colossale.)

« La veille de notre départ de Lombok, je mis fin à une entreprise que j’avais méditée depuis plusieurs jours. J’avais découvert pendant une de mes courses, à un mille ou deux d’Amparram, et dans un ancien cimetière, un objet d’antiquité à demi caché sous des ronces. C’était une tête énorme, sculptée, en bois dur, avec beaucoup d’art et qui paraissait avoir appartenu à une divinité colossale. L’expression du visage indiquait quelque chose de bestial et de goguenard à la fois ; le rictus, qui fend la bouche, laissait voir des dents fabuleuses, avec défenses de sanglier qui lui donnaient un caractère étrange. — Je résolus de m’en emparer, mais bien que le lieu où gisait cette tête fut abandonné, je ne voulais pas le faire en plein jour et je choisis une nuit obscure. J’avais engagé le capitaine et mon ami Mirandol à m’accompagner, l’un armé d’une hâche, l’autre d’un Kriss et moi d’un revolver. Nous partîmes et nous avançâmes jusqu’à une petite rivière qui nous séparait de l’objet tant désiré. Je savais qu’elle était peu profonde ; mais l’obscurité me