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Page:Sacher-Masoch - A Kolomea - Contes juifs et petits russiens, 1879.djvu/101

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RÉCITS GALLICIENS.

de la hauteur d’un homme s’éleva à nos côtés dans un fourré d’aunes nains. Elle nous fit signe, s’inclina jusqu’à terre puis se mit à sautiller devant nous, comme si elle eût voulu nous accompagner.

« Un feu follet !

— Puisque mon bon seigneur le veut, dit le garde-forêt à voix basse, ce n’est qu’un feu follet ; mais je crains que la journée ne finisse pas bien.

— Y a-t-il quelque marais dans le voisinage ?

— Oui certes. Il y a même un étang. Il doit être par ici, sur notre droite. »

Arrivés au bout du chemin, nous vîmes à travers le fourré comme un miroir qui refléterait des lueurs de cierges. Je m’en approchai.

« Vous n’allez pourtant pas exposer votre âme à un pareil danger ? » gémit le garde-forêt.

Sans lui répondre, j’écartai les branches et me frayai un passage jusqu’à l’étang. Le feu follet avait disparu, mais le butor jeta de nouveau sa note plaintive. Le garde-forêt récita tout haut sa formule. Nous étions debout sur le bord d’une large pièce d’eau qui, éclairée par la lune, se développait à nos pieds. Quelques aunes, droits entre les ronces, se miraient mystérieusement dans la mare. Leurs racines y trempaient ; leurs longs rameaux y traînaient comme des chevelures flottantes.

C’était à la fois triste et pénétrant.

Soudain éclata un rire enfantin, pur, clair et moqueur comme le tintement d’une cloche d’argent. Un bouillonnement monta à la surface de l’eau. De petites vagues lumineuses l’agitèrent. Mille étincelles se croisèrent sur l’étang, et, au milieu d’un tourbillon d’écume, nous vîmes sortir une jeune fille d’une étrange beauté. Ses épais cheveux blonds, qui inondaient ses