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Page:Sacher-Masoch - A Kolomea - Contes juifs et petits russiens, 1879.djvu/122

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À KOLOMEA.

lui fait cadeau du prix de la location, et par-dessus le marché le régale de sa meilleure eau-de-vie. Moïse Goldfarb n’était pas seulement regardé à dix lieues à la ronde comme un fidèle observateur du Talmud, on le connaissait aussi comme un disciple du célèbre prophète Bescht. Sa femme le tenait pour tel et lui attribuait toutes les qualités de ce grand génie. Une seule fois à ma connaissance elle se querella avec son mari. Sa langue frétillait comme le dard d’une vipère, tandis que Moïse Goldfarb, tranquillement assis, fumait une pipe turque. Tout à coup il regarda la plus belle moitié de lui-même et lui dit : « Un jour, une femme s’étant permis de répéter une chanson moqueuse qui attaquait l’épouse du grand Bescht, et celle-ci s’en plaignant à lui, il répliqua par ces mots : « C’est la dernière fois que cette femme a parlé. » En effet, elle devint muette. »

Kezia s’effraya. Elle se tut subitement, et alla se cacher dans un coin obscur. Une heure après, je la voyais encore trembler des pieds à la tête.

Toutefois, pendant que les parents vivaient avec cette simplicité et cette pureté de mœurs, leurs enfants montraient de fortes dispositions à sympathiser avec l’esprit du siècle, Esterka notamment. À douze ans, elle était déjà une femme faite. Elle s’entendait merveilleusement à balancer sa taille souple sur ses hanches luxuriantes, et à rejeter en arrière ses nattes d’ébène avec un mouvement à vous donner le frisson. Ajoutez-y l’éclat de ses yeux, comme noyés dans du velours, sur lesquels s’abaissaient, pareils aux rideaux mystérieux d’un temple, ses cils ténébreux, puis le sourire fin et voluptueux qui errait sur le corail de ses lèvres.

Elle commençait à échanger des coups d’œil énigmatiques avec les soldats hongrois qui de temps en temps