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Page:Sacher-Masoch - A Kolomea - Contes juifs et petits russiens, 1879.djvu/132

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À KOLOMEA.

Kosabrodzki changea de couleur.

« Oui, vous, continua la jolie veuve. Vous me regardez d’un air singulier, et votre main…

— Ma main… »

Il s’embarrassait visiblement.

« Votre main s’approche de ma kasabaïka et s’en retire fiévreusement comme au contact d’un serpent.

— Je ne sais pas vraiment, bégaya-t-il.

— Un philosophe doit toujours avoir le courage de dire la vérité ! Ainsi, puisque vous vous piquez d’être philosophe, n’est-ce pas ?…

— C’est que — il respira profondément — j’ai visité l’année dernière à Kolomea une ménagerie.

— Eh bien ! quoi ? Y en a-t-il encore ? »

Et madame Majewska, regardant Kosabrodzki, éclata de rire.

« Je vous en prie, ça se rapporte à ce que vous disiez tout à l’heure, reprit-il. Dans cette ménagerie, il y avait une délicieuse panthère. Elle était étendue, pressée contre les barreaux de sa cage aussi tranquillement qu’un chat et paraissait sommeiller. Sa fourrure superbe me ravit. J’allais étendre la main pour la caresser, lorsque le dompteur accourut.

— Jésus ! Marie ! s’écria-t-il. Malheureux, éloignez-vous ! Ne voyez-vous pas qu’elle vous guette ? Si vous commettez l’imprudence de la toucher, elle vous déchirera.

» Je contins l’envie que j’en avais. Mais plus je regardais le magnifique animal, si mollement, si gracieusement étendu dans sa cage, plus le désir de le caresser s’éveillait en moi. Je crois que si je n’eusse pris le parti de m’éloigner rapidement, j’aurais fini par passer ma main dans sa fourrure veloutée.