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Page:Sacher-Masoch - A Kolomea - Contes juifs et petits russiens, 1879.djvu/138

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À KOLOMEA.

— Tschingora, ce noble monsieur le bienfaiteur te trouve gentille, dit le bohémien. Amuse-le ! »

Tschingora couvrit Kosabrodzki d’un regard passionné.

« Écoute, murmura celui-ci ; avant tout, comment s’appelle ton mari ?

— Sabos.

— Approche, Sabos. Veux-tu conclure un marché avec moi » ? reprit Kosabrodzki.

Le bohémien jeta un coup d’œil craintif autour de lui.

« Parlez bas, seigneur, dit-il. Voulez-vous m’acheter ma femme ? Combien en offrez-vous ? Les autres n’ont pas besoin de nous entendre.

— Quel prix en veux-tu ?

— Cent ducats pour moi ; cinquante pour mes compagnons.

— Tu es fou !

— Eh bien ! cinquante.

— Non. Vingt ducats pour toi et cinq pour ta bande.

— Enfin, prenez-la, répondit Sabos en se grattant la tête. Mais vous me ferez cadeau de votre pipe.

— Tiens, la voici. Voici encore du tabac. »

Il lui tendit les deux objets.

« Mais Tschingora consentira-t-elle à te quitter ?

— N’est-elle pas ma femme ? repartit le bohémien fièrement. Elle n’a pas d’objections à faire, elle n’a qu’à obéir. »

Il lui fit un signe, et tous deux suivirent Kosabrodzki qui prit le chemin de sa seigneurie. Elle avait emporté son tambourin dont les clochettes tintaient de temps à autre faiblement. Sabos savourait avec délices la pipe du philosophe.

Lorsqu’il eut emporté son argent, il se tourna vers sa femme.