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Page:Sacher-Masoch - A Kolomea - Contes juifs et petits russiens, 1879.djvu/173

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MAGASSE LE WATACHEKO.

— Non. Vous avez chez vous une jeune fille ?

— C’est vrai !

— J’ai à lui parler. »

La voyante baissa les yeux, puis les fixa sur le jeune homme, le visage empreint, cette fois, de haine et de défiance.

« Eh bien ! que voulez-vous à cette fille ? Vous désirez la voir. Ce n’est pas possible. Non, par Dieu, ça ne l’est pas, murmura la widma.

— Appelez-la toujours. »

L’abbé se leva et lui jeta sur les genoux deux pièces d’argent.

« Pourquoi l’appellerais-je ? répliqua la vieille femme sans toucher à la monnaie. Je ne veux participer en rien à ce que vous vous proposez de faire. Je pense vivre quelque temps encore, et, à juger par les apparences, votre entreprise est semée de mille dangers. Je ne vous défends pas d’attendre ici son arrivée. Elle viendra sans que je l’appelle. »

La yantevo commença à tordre son fil avec dextérité, tout en fredonnant à demi-voix.

Le soleil, qui se couchait à l’horizon, lançait des gerbes de feu par la porte ouverte et semait d’étincelles les dalles de la pièce. Le prêtre se tut, la vieille se tut aussi. Tout à coup, un susurrement étrange et mystérieux traversa la chambre. Une petite tête sortit doucement de dessous un quartier de roc ; une seconde la suivait ; deux serpents parurent, examinèrent l’étranger en faisant frétiller leurs dards, rampèrent doucement sur le sol jusqu’au pas ensoleillé de la porte et s’y étendirent confortablement, inondés de chaleur et de bien-être. Le père Antoni, toujours silencieux, fit un signe à la voyante et lui indiqua ce spectacle étrange.