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Page:Sacher-Masoch - A Kolomea - Contes juifs et petits russiens, 1879.djvu/210

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À KOLOMEA.

D’un saut il la rejoint maintenant. Il jette comme un lacet son bras autour de son cou, il l’attire à lui ; mais elle s’en détache violemment et danse frénétiquement, avec grâce, les poings insolemment campés sur ses hanches, au milieu des rires et des bravos de la foule, à l’extrémité opposée du tertre.

De nouveau le garde-chasse retombe dans la rêverie, il baisse tristement la tête. Il s’approche de Iéwa, elle lui échappe comme la première fois.

Alors, il semble affolé par la douleur. Il commence un pas traînant et mélancolique. Son chant n’est plus qu’une longue plainte.

Elle, au contraire, le raille et l’éblouit en fredonnant des trilles étourdissants. Elle se renverse, la gorge en avant, elle rit, elle s’en moque, elle papillonne autour de lui comme une mouche folle autour d’une lumière. Il se jette par terre et semble vaincu par une convulsion de l’agonie ; mais, au moment où elle l’effleure, il s’élance sur elle, il lui passe ses bras autour des hanches, il la retient étroitement : elle est à lui.

Ils entreprennent alors une danse bizarre, accompagnée des applaudissements de la foule. Les violons piaulent joyeusement, les cymbales retentissent, la kolomiska est remplacée par une marche nuptiale, son refrain lugubre par une fanfare victorieuse.

Pendant ce temps, les dignes agriculteurs attablés beuglent une chanson bachique, proposée par M. Nicolas Lesnowicz. Le vieux seigneur est dans le ravissement. Il crible sa femme de baisers, en présence de ses hôtes, il l’appelle une damnée coquette. Elle cligne de l’œil tout émue, fort embarrassée.

Les jeux reprennent leur train. Le cosaque place un pot cassé dans le voisinage d’une grande mare. La mali-