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Page:Sacher-Masoch - A Kolomea - Contes juifs et petits russiens, 1879.djvu/220

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À KOLOMEA.

Le chancelier se redressa, prit une mine solennelle, et commença :

« Monsieur Meilech, vous est-il jamais arrivé de contempler la voûte des cieux par une belle nuit ? Y a-t-il quelque chose de plus magnifique que les étoiles ?

— Allez-vous m’appeler Stern[1] ? geignit Meilech. Le nom n’est pas mal ; mais ne le trouvez-vous pas un peu court pour vingt ducats ?

— C’est vrai, repartit Krummholz ; mais vous oubliez qu’il y a toute espèce d’étoiles, monsieur Meilech. Il y en a de grandes et de petites ; il y en a qui projettent une vive lueur, et d’autres qui ne brillent que faiblement.

— Dans ce cas, donnez-moi le nom d’une étoile considérable et qui projette une vive lueur.

— Savez-vous ? dit le chancelier après un instant de réflexion, prenez le nom de Lichtenstern ; ça a du rapport avec Lichtenstein… le prince Lichtenstein.

— Vous êtes un homme divin, monsieur le chancelier, dit Meilech avec une mine joyeuse. — Vraiment c’est un nom très beau… je dois l’avouer ; ainsi voilà qui est convenu. Inscrivez-moi sous le nom de Lichtenstern, monsieur le chancelier. »

Et Meilech demeura derrière lui, debout, regardant tout tremblant dans le protocole pour s’assurer qu’il y était inscrit sous le nom de Meilech Lichtenstern. Cela fait, il coula une pièce blanche dans la main du chancelier — il savait fort bien que le pauvre homme ne recevrait rien des vingt ducats — et se rendit chez lui avec une hâte presque inconvenante pour un aristocrate juif.

La femme, ses enfants coururent à sa rencontre.

« Eh bien ! quel nom as-tu reçu ? demanda sa femme.

  1. Étoile.