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Page:Sacher-Masoch - A Kolomea - Contes juifs et petits russiens, 1879.djvu/226

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À KOLOMEA.

je veux bien consentir à m’appeler Kerzenschein[1]. » Et, pour la seconde fois, Absalom fit son apparition à la chancellerie ; pour la seconde fois, il tira doucement par sa manche le hargneux Krummholz.

Seulement il eut la prudence de déposer préalablement un ducat sur le coin du pupitre, avant de demander le nom de Kerzenschein. — Cette fois, les fonctionnaires le raillèrent impitoyablement.

« Es-tu fou ? lui dit le chancelier dignement. Kerzenschein est un nom qui vaut au moins cinq ducats. As-tu peut-être cinq ducats, Absalom ? »

Absalom soupira, et, après un moment de réflexion, posa sur le pupitre son second ducat.

« Je suis prêt à donner tout ce que j’ai, dit-il, mais, n’est-ce pas, monsieur le chancelier, que vous me ferez bien l’honneur de m’accorder le nom de Kerzenschein, moyennant ces deux ducats ?

— Impossible, cher Absalom, totalement impossible… assura le chancelier.

— Eh bien ! dans ce cas, inscrivez-moi sous le nom de Grünblatt[2]. »

Les employés se remirent à rire.

« Que valent deux ducats ? s’écria le chancelier. Que peut-on obtenir avec deux ducats ? une culotte que l’on porte un an ou deux, mais pas un nom qui dure toute la vie ; pour deux ducats, mon cher, tu peux t’appeler Zuckerhut[3] ou Eisenstein[4]. »

Absalom se sentit comme frappé par la foudre. Il lui paraissait impossible, à lui qui était sorti de

  1. Flamme de cierge.
  2. Feuille verte.
  3. Pain de sucre.
  4. Mine de fer.