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Page:Sacher-Masoch - A Kolomea - Contes juifs et petits russiens, 1879.djvu/265

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LE ROI DE POLOGNE.

— Je suis Macédon Wolinski ! »

Il lança ces mots comme s’il eût dit : Je suis Bismark ! Qui donc au monde peut ne pas connaître Macédon Wolinski ? On lui adresse ses lettres comme jadis celles de l’auteur de la Pucelle : À Monsieur de Voltaire, en Europe.

« Vous avez sans doute entendu parler de moi, ajouta-t-il, ou, si les récits de guerre vous intéressent, peut-être avez-vous lu mes écrits ?… Mais soyez sûr que nous allons avoir de la pluie. »

Il s’assit et prit à deux mains sa jambe droite :

« Voilà un baromètre infaillible.

— Vous avez été blessé au pied ?

— Au pied ? Il me regarda et sourit en secouant la tête : Où donc n’ai-je pas été blessé ? Tel que vous me voyez, je n’ai pas un membre intact. Tout mon corps n’est qu’une immense plaie.

— Vous avez été soldat ?

— Soldat si vous voulez. Il se redressa fièrement : Je n’ai jamais offert mon épée à la tyrannie. C’est pour ma patrie et la liberté que mon sang a toujours coulé à flots. Bien que je n’aime pas à parler de mes souffrances — et il bourra vivement une longue pipe turque, — voici en deux mots mon histoire : J’ai connu les cachots autrichiens au moins aussi longtemps que Lafayette et Silvio Pellico. J’ai déjà été compromis dans une conspiration quand je n’étais qu’agrégé de philosophie. L’exaltation de la jeunesse, vous comprenez ! L’expiation a été cruelle. J’ai passé cinq ans de ma vie dans les chaînes, au Spielberg. C’est de là que vient la blessure de ma jambe.

— Je croyais que vous l’aviez reçue à la guerre ?

— Certainement, mais c’est une autre, beaucoup plus