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Page:Sacher-Masoch - A Kolomea - Contes juifs et petits russiens, 1879.djvu/296

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À KOLOMEA.

— Je n’y manquerai pas, répondit le prêtre. »

La pauvre affligée le baisa sur l’épaule, selon l’usage, tandis qu’il attachait avec passion ses lèvres sur son front candide. Elle tressaillit, ses joues se couvrirent d’une subite rougeur et elle quitta la maison plus vite qu’un chevreuil effarouché.

Quelques jours se passèrent. Un matin, le curé entra inopinément dans la chambre d’Anastasie, qu’il trouva assise près du berceau de son enfant, le fuseau à la main. La jolie femme le regarda très-surprise.

« Eh bien, où est votre mari ? commença le père Lis.

— Hélas ! Votre Honneur, où serait-il, sinon au cabaret, là-bas, chez le juif ?

— Encore ! le scélérat ! le vaurien ! cria le prêtre. Je l’ai pourtant assez sermonné, Dieu merci ! Il m’avait témoigné quelque repentir de sa conduite, et m’avait promis de commencer une nouvelle vie. Il est incorrigible, cet homme ! »

La jeune paysanne soupira.

« Et vous, vous êtes-vous un peu consolée ? continua-t-il, s’asseyant à côté d’elle, et la prenant sans façon par la taille.

— Comment pourrais-je…, balbutia-t-elle ?

— Comment ? mais avec un autre homme qui vous plaise, murmura le père Lis. Si Dieu m’accordait la grâce de vous tenir lieu de mari, je passerais ma vie à vos pieds, comme un agneau.

— Allez ! je suis très-malheureuse ; il ne me reste qu’à patienter, répondit la jolie femme.

— Votre position changera quand vous le voudrez bien. Vous n’avez qu’à me dire si cela vous convient que je vous visite… que je vous console… reprit le curé d’une voix basse et ardente. Je vous trouve belle, Anas-