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Page:Sacher-Masoch - A Kolomea - Contes juifs et petits russiens, 1879.djvu/49

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PINTSCHEW ET MINTSCHEW.

— La connais-tu, par hasard ? demanda Pintschew.

— Oui, je la connais, » repartit l’autre sèchement.

Pintschew s’absorba dans un profond silence. Tout à coup il s’écria triomphalement :

« Je l’ai, je l’ai !

— Qu’as-tu donc ? demanda Rachel épouvantée. Y a-t-il un voleur ici ?

— J’ai la phrase, la phrase qui explique les deux passages, dit Pintschew avec fierté ; entends-tu, Mintschew ? Dans le but d’expliquer cette contradiction, Dieu fit dire par Isaïe : « Ma main forma la terre, ma droite mesura le ciel, je les nommai, et tous deux existèrent. » Ai-je raison ?

— Oui, approuva Mintschew d’une voix aigre.

— Ainsi, Dieu a créé en même temps le ciel et la terre, conclut Pintschew.

— Il vous a sans doute aussi créés ensemble, vous, les deux plus grands fous d’Israël, cria Rachel. Pour le coup, c’est bien la dernière fois que je permets à Mintschew de dormir chez nous ! »

Les deux lions talmudiques se turent sans sourciller, et lorsque, un moment après, Pintschew commença à ronfler véritablement, Mintschew, qui jusqu’alors avait fait semblant de dormir, se tourna en soupirant contre la muraille et s’assoupit. Il rêva du prophète Élie qu’il vit assis sur un grand nuage rouge, tandis que Rachel, dans son mantelet graisseux, traversait le ciel et éteignait toutes les étoiles au moyen d’un gigantesque éteignoir.

Quelque temps après, comme Pintschew était presque rétabli et qu’il ne boitait plus que fort légèrement, il se décida à se rendre à Kolomea pour la grande foire. Durant sa maladie et pendant sa convalescence, un changement s’était accompli en lui : il était rede-